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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/212

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carrefour de vos astres !… Bientôt, je chercherai ma route à travers vous !… Mais, avant de déployer mes ailes, je veux monter, pour dire l’adieu joyeux, sur le plus haut pic du cap Sumium, et là je briserai ma coupe de vin de Samos en l’honneur de vous, étoiles !… Je suis la fiancée de la mort, Evohé ! Io ! Io ! Que tu es belle ce soir, vieille terre !… Est-ce pour moi que tu t’es faite si belle et que tu as mis ta couronne d’étoiles ? Ah ! que je vous adore, ce soir, collines d’opéra, lourdes de citrons, de mûriers bleus et de dalles de marbre !… Adieu, splendeurs !… Voici le moment de crier les adieux sans échos !… Je suis jeune, je date d’une heure, et déjà je vois le gouffre… Oh ! je voudrais passer la main sur toutes les roses avant de mourir !… Que la brise vienne à moi ce soir et que je la reçoive à pleins cheveux et dans mes paumes tendues ! Réunissez-vous sur moi, désirs, tous les désirs, comme un rendez-vous de colombes !… Oh ! choses, je voudrais encore me gorger de vous pour que je dessèche en moi jusqu’à la racine du désir. Et, sur le roc, je veux clamer l’hymne à la mort, puissant, comme la jeunesse et la musique. (Peu à peu elle s’anime ; son geste, sincère, s’amplifie… On sent qu’elle veut ce soir-là donner à sa voix une expression particulière et enivrée.) Vieille terre, je t’ai tellement rêvée et pensée que je pourrai presque te repousser du pied sans regret en m’envolant de toi ! Mais je te donne tous les battements de mon cœur… je te les rends, puisqu’ils sont à toi… Je te donne mon corps que tu aimas… Io ! Frappez le sol, le sol des morts, pour qu’il s’ouvre… Que disent les dormeurs là-dessous ? « Hélas ! le grand trésor est perdu ! » N’est-ce pas que la peine est inconsolable, dormeurs ?… Sur vos