Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

essentiels agents de tout commerce ; ces fraix sur-ajoutés à l’échange pur et simple, le leur rendent d’autant moins profitable.

[218] C’en est assez pour faire sentir avec évidence, que trafic et commerce ne sont pas la même chose.

Les trafiquants, négociants ou marchands, dont le ministere est d’acheter du producteur les denrées simples ou du façonneur les marchandises, ouvrées pour les revendre au consommateur, servent donc le commerce ; par leurs soins ils facilitent souvent les échanges et les consommations : c’est là ce qu’on veut exprimer quand on dit improprement qu’ils font le commerce.

On dit encore, par exemple : « Les Hollandois font un grand commerce dans la mer Baltique. » Or dans le vrai, c’est un grand trafic. Les Hollandois n’y sont qu’agents accessoires et accidentels du commerce, qui se fait entre les producteurs et les consommateurs du Nord et du Midi.

Ces agents accessoires du commerce font un profit mercantile, qui est le prix [219] de leur industrie, le salaire de leurs peines, l’intérêt de leurs avances, la compensation de leurs risques. Mais le principal avantage des échanges (dont les négociants font les opérations de détail) est toujours pour les producteurs et pour les consommateurs qui jouissent des marchandises échangées.

Donc les producteurs, qui sont la premiere ligne ou la source de tout commerce, et les consommateurs, qui en sont le but ou la fin, et la derniere ligne, sont les parties essentielles et constitutives, sans lesquelles il n’est pas possible que le commerce existe : sans eux les trafiquants ne seroient rien ; car le négoce ne peut jamais s’en passer. Mais ils peuvent, eux, commercer sans trafiquants, et alors le commerce n’en est que meilleur.

Une doctrine sophistique s’étoit élevée, dans notre Europe moderne, sur le fondement ruineux de cette équivoque, trop commune dans notre langue. [220] Il faut favoriser le commerce : c’est un axiome général dont la vérité ne peut jamais être contestée ; car il signifie dans l’exacte vérité, qu’il faut exciter et procurer à qui mieux, la multiplication des productions, celle des échanges, celle des jouissances ou consommations, qui font le bien-être des hommes.

Donc il faut favoriser le trafic et les trafiquants. C’est une conclusion toute différente de l’axiôme fondamental, conclusion trop souvent prise dans le sens le plus équivoque, et qui mérite d’être