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Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/160

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dites que la moitié, que les trois quarts du revenu quitte et net ne suffiroient pas aux dépenses publiques. Vous parlez du revenu quitte et net actuel apparent ; mais c’est évidemment un fantôme que vous prenez là pour la réalité.

Quelle est au vrai la différence entre ce fantôme et cette réalité ? C’est le problême le plus difficile à résoudre dans les grands États où le systême fiscal est très [355] compliqué : c’est peut-être un problême dont la solution seroit impossible.

Mais en gros cependant, il seroit aisé de prouver que la différence est dans plusieurs contrées beaucoup plus que de moitié, quoique sans savoir précisément de combien au-delà.

Par exemple, on pourroit citer un des États connus, dans lequel il existe une estimation assez récente des revenus territoriaux, qui ne les fait monter qu’à quatre cents millions.

Il est vrai que l’évaluation est probablement un peu trop foible ; en sorte qu’on peut, sans nulle crainte d’erreur, porter le produit quitte et net actuel apparent à plus de quatre cents millions.

Mais il faut observer, 1⁰ que le Souverain de cet État perçoit sous des formes antiéconomiques plus de deux cents cinquante millions effectifs de recette portée dans ses coffres.

Il faut observer, 2⁰ que deux cents [356] cinquante millions perçus sous cette forme en coutent nécessairement beaucoup plus de six cents à prendre sur la production totale annuelle de l’État, en frais et faux frais, contrebande, perte de temps, de travaux ou de denrées, et autres surcharges qu’on peut évaluer en gros.

Le produit net y seroit donc d’un milliard au moins si toutes ces surcharges n’existoient pas ; la portion du Souverain calculée sur la porportion économique s’y monteroit donc à trois cents millions réels, effectifs et liquides chaque année, c’est-à-dire à une somme fort supérieure au résultat de toutes les perceptions imaginables multipliées jusqu’à l’excès.

Cette objection si fameuse d’insuffisance qu’on fait à la perception économique, roule donc sur cette erreur de prendre pour vrai revenu quitte annuel un produit net fictif, un revenu dégradé [357] par les autres perceptions, et par les surcharges qu’elles entraînent.

Troisiement, une même erreur sur les dépenses publiques, comme sur les dépenses privées, regne encore dans cette objection.