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Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/200

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Comment me persuaderez-vous que je dois fuir et haïr celui qui doit me rembourser mes frais de voiture, et me payer les bénéfices de mon trafic ? Par la même raison, comment me persuaderez-vous qu’ils étoient pour moi des hommes ennemis, des hommes indifférents, ce Chinois qui cultiva le thé que je bois, cet Arabe qui fit naître mon café, ce Grec qui me procura ce vin de Chypre ? Quoi ! C’étoit un homme ennemi, un homme indifférent, cet Indien qui recueilloit, qui filoit si bien le coton, qui en ourdissoit une toile si fine, qui la peignoit avec tant de graces, de couleurs si belles et si durables, pour ma parure et mon ameublement ! Quoi ! Ce sont des hommes ennemis, des hommes indifférents pour moi voiturier et négociant, que ces producteurs de denrées, ces fabricateurs d’ouvrages également utiles et agréables à mes concitoyens, qui me les livrent en échange des denrées et des ouvrages de mes compatriotes ! Non sans doute, aucun de ces hommes n’est ennemi ni même indifférent pour nous, vous diroient unanimement dans cette nation sage les propriétaires, les cultivateurs, les agents de la classe stérile, et même les mandataires de l’autorité souveraine, considérés comme consommateurs des marchandises étrangeres. Etablissez-vous donc en idée au milieu de ce peuple fraternel, ami de tous les peuples ; vous jetterez les yeux sur toute la terre habitée, et vous direz : si depuis une extrémité jusqu’à l’autre l’art social, l’art productif et l’art stérile étoient portés au point de la plus grande perfection qui soit actuellement connue du peuple le plus florissant, quelle abondance de productions diverses, quelle variété dans les objets de jouissances ne résulteroit pas de cette prospérité ! Quelles portions ne pourrions-nous pas espérer d’en recueillir, nous qui sommes liés d’amitié, de commerce libre avec tout l’univers ! Au contraire, si tout-à-coup le désordre extrême se mettoit dans toutes les nations avec lesquelles nous sommes en communication réciproque des objets propres à nos jouissances ; si les révoltes, les pillages, les incendies, les meurtres couvroient tous leurs territoires de sang et de ruines ; si les récoltes y étoient toutes anéanties ; si toute fabrication d’ouvrage, tout commerce y étoient détruits : quel vuide affreux dans nos jouissances, quelle perte de nos productions !