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XVIII
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE.

que Baudelaire écrivît la première strophe des Correspondances, ce sonnet fameux dont le symbolisme devait faire son Credo :

La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

— de Maistre avait dit, paraphrasant d’ailleurs saint Paul : « Tout se rapporte dans ce monde que nous voyons à un autre monde que nous ne voyons pas. Nous vivons… au milieu d’un système de choses invisibles manifestées visiblement. »

Baudelaire fit aussi l’apprentissage de la vie. Nous avons noté tout à l’heure que s’il était souvent en proie à de cruelles mélancolies, il avait par contre un goût très vif du plaisir. Il goûta aux fruits si divers de la grande ville qui, au plein des transformations dont elle devait tirer un lustre nouveau, offrait alors, par surcroît, le spectacle d’une incessante activité. Il prit des « bains de multitude ». Il connut des filles au quartier latin. Il fit de longues séances dans les bibliothèques et les musées, y puisant une érudition qui, plus tard, étonnera bien des critiques. Il trouva des camarades dans Levavasseur et ses amis : Prarond, Buisson, Dozon, Chennevières… Il entra aussi en relations avec quelques notoriétés du milieu romantique : Ourliac, Delatouche, Balzac, auquel il se présenta tout seul, conte-t-on, et qui, l’accueillant d’un gros rire, le « reconnut »…

Cependant il arrivait que les curiosités dont son âme et son inexpérience étaient pleines, ainsi que son penchant déterminé pour tout ce qui présentait un caractère d’intensité exceptionnelle, l’amenassent à des fréquentations peu recommandables comme à des écarts de langage ou de