Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/137

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composées pour ma chère idole (Tout Entière et À Celle qui est trop gaie) ? Cette dernière est celle que le vénérable Sainte-Beuve déclare la meilleure du volume.

Voilà la première fois que je vous écris avec ma vraie écriture. Si je n’étais pas accablé d’affaires et de lettres (c’est après-demain l’audience), je profiterais de cette occasion pour vous demander pardon de tant de folies et d’enfantillages. Mais d’ailleurs ne vous en êtes-vous pas suffisamment vengée, surtout avec votre petite sœur ? Ah ! le petit monstre ! Elle m’a glacé, un jour que nous étant rencontrés elle partit d’un grand éclat de rire à ma face, et me dit : Êtes-vous toujours amoureux de ma sœur, et lui écrivez-vous toujours de superbes lettres ? — J’ai compris d’abord que quand je voulais me cacher je me cachais fort mal, et ensuite que sous votre charmant visage vous déguisiez un esprit peu charitable. Les polissons sont AMOUREUX, mais les poètes sont IDOLÂTRES, et votre sœur est peu faite, je crois, pour comprendre les choses éternelles.

Permettez-moi donc, au risque de vous divertir aussi, de renouveler ces protestations qui ont tant diverti cette petite folle. Supposez un amalgame de rêverie, de sympathie, de respect, avec mille enfantillages pleins de sérieux, vous aurez un à peu près de ce quelque chose très sincère que je ne me sens pas capable de mieux définir.

Vous oublier n’est pas possible. On dit qu’il a existé des poètes qui ont vécu toute leur vie les