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426 CHARLES BAUDELAIRE

Citoijen, voilà l’heure du dîner ; voulez-vous que nous dînions ensemhM

Nous allâmes chez un petit traiteur récemment installé rue Neuve-Vivienne ; Proudhon jasa beau- coup, violemment, amplement, m’initiant, moi, inconnu pour lui, à ses plans et à ses projets, et lâchant, involontairement, pour ainsi dire, une foule de bons mots.

J^observai que ce polémiste mangeait énormé- ment, et qu’il ne buvait presque pas, tandis que ma sobriété et ma soif contrastaient avec son appétit.

Pour un homme de lettres, lui dis-jCjt’OMS man- gez étonnamment* — C’est que j’ai de grandes choses à faire, me répondit-il, avec une telle sim- plicité que je ne pus deviner s’il parlait sérieuse- ment ou s’il voulait boufFonner.

Je dois ajouter, — puisque vous attachez aux plus petits détails une importance souvent légitime, — que, le repas fini, quand je sonnai le garçon pour payer notre dépense commune, Proudhon s’opposa si vivement à mon intention que je le laissai tirer sa bourse, mais qu’il m’étonna un peu en ne payant que strictement son dîner. — Peut-être en infére- rez-vous un goût décidé de l’égalité et un amour exagéré du droit ?

Tout à vous.

A SAINTE-BEUVE

Jeudi, 3o Mars i865. Mon cher ami,

Je vous remercie de voire excellente lettre ; pou-