Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/464

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est-il toujours absent ? Impossible de rien deviner de cela.

Mais ce qui m’avancerait beaucoup dans mon travail de conjectures, ce serait de savoir si vous avez été consulté. Dites-le-moi, je vous en prie, je ne vous demande que cela. Si vous avez été consulté, ce sera pour moi une preuve que la question a marché. Cependant, si, me connaissant aussi bien que je me connais, vous voulez me dire quelques injures sur ma faiblesse, mon découragement, dites, dites. Des injures de vous me feront plaisir, et cela me prouvera, au moins, que vous êtes en bonne santé.

Si je pouvais remplir dix pages avec les impressions que j’ai ressenties par le dernier volume que vous m’avez donné, je suis sûr que je vous amuserais. Je l’ai lu lentement, car la lecture en chemin de fer me blesse les yeux, et, dans ce vilain climat, je suis rongé de névralgies. — Je connais maintenant ce M. Deleyre, mais vous me l’avez si bien fait comprendre qu’il me semble que j’ai connu d’autres Deleyre. Ce n’est plus un individu, c’est un genre.

Votre dénombrement de l’armée des cafards et des ultras, sous la Restauration, m’a fait rire comme un fou (et je ne ris guère ici). Mais, en général, ce qui m’a le plus frappé dans votre livre, c’est un ton de justice, d’équité ; c’est une espèce de bonne humeur philosophique qui vous permet de voir ce qui est bien, là même où n’est pas votre amour. Jamais je ne pourrai attraper cette qualité.