Page:Baudelaire - Lettres 1841-1866.djvu/48

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indéniable ; mais l’amour que je ressens pour vous, c’est celui du chrétien pour son Dieu ; aussi ne donnez jamais un nom terrestre, et si souvent honteux, à ce culte incorporel et mystérieux, à cette suave et chaste attraction qui unit mon âme à la vôtre, en dépit de votre volonté. Ce serait un sacrilège. — J’étais mort, vous m’avez fait renaître. Oh ! vous ne savez pas tout ce que je vous dois ! J’ai puisé dans votre regard d’ange des joies ignorées ; vos yeux m’ont initié au bonheur de l’âme, dans tout ce qu’il a de plus parfait, de plus délicat. Désormais, vous êtes mon unique reine, ma passion et ma beauté ; vous êtes la partie de moi-même qu’une essence spirituelle a formée.

Par vous, Marie, je serai fort et grand. Comme Pétrarque, j’immortaliserai ma Laure. Soyez mon Ange gardien, ma Muse et ma Madone, et conduisez-moi dans la route du Beau.

Veuillez me répondre un seul mot, je vous en supplie, un seul. Il y a dans la vie de chacun des journées douteuses et décisives où un témoignage d’amitié, un regard, un griffonnage quelconque vous pousse vers la sottise ou vers la folie ! Je vous jure que j’en suis là. Un mot de vous sera la chose bénie qu’on regarde et qu’on apprend par cœur. Si vous saviez à quel point vous êtes aimée ! Tenez, je me mets à vos pieds ; un mot, dites un mot… Non, vous ne le direz pas !

Heureux, mille fois heureux, celui que vous avez choisi entre tous, vous, si pleine de sagesse et de beauté, vous, si désirable, talent, esprit et