Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/374

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lite ? Quel fossé a abrité son agonie ? Où sont les parfums enivrants des fleurs disparues ? Où sont les couleurs féeriques des anciens soleils couchants ?




III


Je ne vous ai rien appris sans doute, de bien nouveau. Le vin est connu de tous ; il est aimé de tous. Quand il y aura un vrai médecin philosophe, chose qui ne se voit guère, il pourra faire une puissante étude sur le vin, une sorte de psychologie double dont le vin et l’homme composent les deux termes. Il expliquera comment et pourquoi certaines boissons contiennent la faculté d’augmenter outre mesure la personnalité de l’être pensant, et de créer, pour ainsi dire, une troisième personne, opération mystique, où l’homme naturel et le vin, le dieu animal et le dieu végétal, jouent le rôle du Père et du Fils dans la Trinité ; ils engendrent un Saint-Esprit, qui est l’homme supérieur, lequel procède également des deux.

Il y a des gens chez qui le dégourdissement du vin est si puissant, que leurs jambes deviennent plus fermes et l’oreille excessivement fine. J’ai connu un individu dont la vue affaiblie retrouvait dans l’ivresse toute sa force perçante primitive. Le vin changeait la taupe en aigle.

Un vieil auteur inconnu a dit : « Rien n’égale la joie