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XVIII

où l’on voit apparaître monsieur jules

On dit qu’un clou chasse l’autre. On pourrait dire aussi qu’un sujet de conversation chasse, chez le public, le sujet de conversation précédent. Les foules semblent incapables de partager leurs passions : ce qui est assez heureux pour les journalistes, qui ne sont ainsi que très rarement embarrassés pour savoir à quelle nouvelle donner le pas sur les autres.

Depuis la libération de Marcel, on n’avait, dans Saint-Albert, eu d’autre sujet de discussion que celui de sa culpabilité possible ou de son innocence probable. Heureusement, les progrès de la campagne électorale et l’imminence des élections avaient fini par faire prendre, aux questions politiques, la première place dans l’esprit des gens. Là où on s’était si violemment passionné pour ou contre Marcel Lortie, on se passionnait maintenant pour ou contre Héliodore Blanchard, pour ou contre Gaston Lecrevier ; car, chose étrange, même hors du quartier-centre, c’était surtout de Blanchard et de Lecrevier qu’il était question. Les candidats dans les trois autres quartiers manquaient sans doute de couleur et de relief, car personne ne semblait prendre, pour leur cause, un intérêt bien vif. Il ne pouvait d’ailleurs faire aucun doute que les trois échevins sortants de ces quartiers seraient réélus sans difficulté. Et cette absence d’incertitude suffisait amplement à