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est écrite par un ami, Humbert Fournier, à Champier, et publiée par ce dernier dans le Tropheum gallorum de 1507. Elle contient la description d’une assemblée qui ne semble pas avoir été la seule, et qui eut lieu dans la maison d’un ami commun, située sur le coteau de la montagne de Fourvière. Rien n’y fait supposer une société organisée avec un but précis ; ce n’est point du tout une académie. La lettre même prouve que ces assemblées étaient sans date fixe et sans aucun règlement.

Elle nous cite aussi les noms des amis qui y étaient ; nous voyons entre autres le médecin Gonsalve de Tolède, le théologien André Victon, et Jean Lemaire des Belges. Elle nous apprend ce qu’était la conversation dans un cercle scientifique de Lyon dans les premières années du seizième siècle. Nous parlons de bien régler les mœurs, de polir et de perfectionner l’esprit par la culture des sciences utiles. Quelques amis nous rendent visite, et, laissant les sujets sérieux, nous nous égayons par de petits contes et par des plaisanteries qui n’ont rien de mordant. On cause des nouvelles des cours et des événements politiques. — Humbert Fournier déclamait des sonnets en rimes toscanes, un autre des morceaux oratoires, un autre encore des fragments de pièces de théâtre. André Victon aimait à s’entretenir de sujets graves tels que l’incertitude de la vie et la nécessité de la mort. Tantôt on faisait un peu de musique, tantôt on se délassait à des jeux divers. Ces passe-temps agréables recevaient un atrait nouveau de la vue qui se présentait aux regards ; après avoir passé sur les innombrables maisons de la ville, les yeux parcouraient un immense paysage[1].

C’est le hasard des sources historiques de ces temps qui nous a transmis des notices d’un seul de ces cercles littéraires et philosophiques ; je ne doute pas qu’ils aient été assez nombreux à Lyon. À cette époque déjà, la société y était internationale ; à côté de banquiers italiens qui y avaient apporté toute la civilisation raffinée, tout le culte du Beau de Florence, il y avait des imprimeurs allemands qui étaient toujours au courant de toutes les nouvelles publications dans le monde des sciences et des belles-lettres.

Malgré leur organisation politique assez indépendante, les „nations“ florentine, lucquoise et allemande ne devaient pas être très exclusives. Nous voyons par la lettre de Humbert Fournier que l’on comprenait et goûtait à Lyon la poésie italienne — si ce n’est celle de Pétrarque du moins celle de ses imitateurs — dès le commencement du seizième siècle ; fait très singificatif pour l’évolution de la poésie lyrique à Lyon. Aussi n’est-il pas sans impor-

  1. Je cite la traduction de Montfalcon (Hist. mon. II. p. 97.)