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ARCHILOCHUS.

ὑπατεύων, ἀλλ᾽ ἐξέπεμψε διαγράμματα, βλασϕημίας ἀμϕο͂ιν ἔχοντα καὶ κατηγορίας [1]. Bibulus domi abditus non prodiit octo consulatûs sui menses in publicum, edicta tantum proposuit maledictorum et probrorum in ambos (Pompejum et Cæsarem) plena. Quant au proverbe Archilochum teris, je me crois point qu’il signifie, comme Érasme se l’est figuré, un médisant qui marche sur les traces d’Archilochus, ou qui étudie ses livres ; mais un homme qui, ayant offensé Archilochus, doit craindre la destinée de celui qui marche sur un serpent, et qui en reçoit tout aussitôt une blessure mortelle. Voyez ce que Lucien met en la bouche d’Archilochus contre quelqu’un qui avait médit de lui, Alis cicadam comprehendisti [2], et vous ne douterez point que l’explication d’Érasme, quelque conforme qu’elle soit à la pensée de Suidas, ne soit fausse. Cependant je ne nie pas que πατεῖν ne se prenne quelquefois comme terere pour lectitare : οὐδ᾽ Αἴσωπον πεπάτηκας, a dit Aristophane dans ses Oiseaux [3]. Il y a quelques épigrammes dans l’anthologie, qui donnent une très-forte idée de la médisance de notre homme : on y exhorte Cerbère à veiller plus que jamais, et même à prendre garde qu’on ne le morde, puisque Archilochus s’en allait dans les enfers [4]. Nous verrons dans la remarque (G) qu’il médisait de lui-même.

(D) Il y a de l’apparence.... que trois filles de Lycambe soient mortes de désespoir en même temps. ] J’ai dit qu’Archilochus prit la chose fort à cœur ; mais ce ne fut rien en comparaison de son beau-père et de sa maîtresse. Il se contenta d’une cruelle satire ; mais Lycambe et ses filles ne trouvèrent leur consolation qu’au bout d’un licou. Horace ne parle que de la penderie du père, et de celle de la fille qui avait été promise à Archilochus :

.....Non res et agentia verba Lycamben.
..........................
Nec socerum quærit, quem versibus oblinat atris ;
Nec sponsæ laqueum famoso carmine nectit [5].


C’est dans l’Anthologie qu’on voit que les deux, où même les trois filles de Lycambe se pendirent [6]. Voyez dans l’article d’Hipponax [7] quelques exemples de l’effet funeste et mortel de la satire. N’oublions pas ce qu’un des scoliastes d’Horace a remarqué, c’est que Néobule (il nomme ainsi la fiancée d’Archilochus ) ne se pendit pas à cause des satires de son galant, mais à cause du regret qu’elle conçut de la déplorable fin de son père [8]. La plupart des lecteurs seront pour l’anthologie, où Archilochus est représenté comme la cause immédiate.

(E) Ce fut à l’occasion de cette satire, que ceux de Lacédémone jetèrent un interdit sur les vers d’Archilochus. ] Valère Maxime l’assure en termes formels : Lacedæmonii libros Archilochi è civitate suâ exportari jusserunt, quòd eorum parùm verecundam ac pudicam lectionem arbitrabantur. Noluerunt enim eâ liberorum suorum animos imbui, ne plus moribus noceret quàm ingeniis prodesset. Itaque maximum poëtam, aut certè summo proximum, quia domum sibi invisam obscenis maledictis laceraverat, carminum exilio multârunt [9].

(F) Sa médisance le mit quelquefois assez mal dans ses affaires. ] Pindare m’apprend cette particularité ; car il assure qu’Archilochus, quoique s’engraissant à médire, a été souvent réduit fort à l’étroit :

Εἶδον γὰρ ἑκὰς ἐὼν τὰ, πόλλ᾽ ἐν ἀμαχανίᾳ
Ψογερὸν Ἀρχίλοχον, βαρυλόγοις ἔχθεσιν πιαινόμενον [10].

Vidi enim procul existens sæpè in angustiis conviciatorem
Archilochum dum maledicis odiis pinguefieret.


Arétius n’a pas entendu ce passage, puisqu’il y a trouvé ce sens, qu’Archilochus s’était bien trouvé de ses médisances, et qu’elles l’avaient élevé à l’éclat et aux richesses, de misérable qu’il était [11]. Le mot πιαίνεσθαι, qui

  1. Plut., in Pomp., pag. 644.
  2. Lucian., in Pseudol., tom. II, pag. 548. Voyez l’article de Tettix.
  3. Ceci m’a été communiqué par M. de la Monnoie.
  4. Anth., lib. III, cap. XXV. Vide etiam Salmasium, Exercitat. Plinian., pag. 394, 395.
  5. Horat., Epist. XIX, lib. I, vs. 25, 30, 31.
  6. Anth., lib. III, cap. XXV.
  7. Remarque (F).
  8. Scholiast. in Horatii Epod. VI.
  9. Valer. Maxim., lib. VI, cap. III.
  10. Pindar., Pythior. Od. II, v. 97.
  11. Voyez Benedictus in Pindar., Od. II Pythior.