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ARÉTIN.

nous parle-là ? Procope, en langue gothique, publié premièrement par Arétin, et puis par Persona, est une chimère qu’on n’a jamais vue, et qu’on ne verra jamais. De plus, c’est parler sans aucune exactitude, que de dire que Léonard Arétin, et Persona ont donné l’histoire de Procope ; car ils n’ont traduit qu’une partie de cette histoire. Les imprimeurs du Dictionnaire de Moréri ont lourdement bronché, quand ils ont mis que l’histoire des Goths n’était proprement qu’une traduction de Plutarque.

(G) Il mourut l’an 1443, âgé de soixante-quatorze ans [1]. ] Léandre Albert dit bien qu’il est mort à l’âge de soixante-quatorze ans ; mais il place sa mort à l’année 1440. Son calcul ne s’accorde pas avec Matthieu Palmérius, qui met l’année natale de Léonard Arétin en 1370 [2] : et comme d’ailleurs je vois dans Volaterran, que notre Arétin mourut en 1443 [3], (ce fut le 9 de mars, selon Bucholcer) je n’ai point voulu suivre Léandre Albert. J’ai remarqué ci-dessus [4] la méprise d’un moderne, qui a cru que Léonard Arétin vivait encore l’an 1480.

(H) Pogge fut un de ceux qui le critiquèrent. ] Ces paroles de Philelphe vous l’apprendront : elles se trouvent dans une lettre qu’il écrivit à Laurent de Médicis le 29 de mai 1473 : Quod eò feci accuratiùs quoniàm et Leonardus Arretinus familiaris noster, vir sanè facundissimus, adversùs Blondum Flavium multa disseruit, et post Leonardi obitum Poggius Karolo gratificatus Arretino, quem disertissimi concivis gloria offenderet, libellum etiam contra illius scripta contexuit, cùm neuter suo sit functus officio [5]. Ce passage m’a été communiqué par M. de la Monnoie.

  1. Varillas, dans les Anectodes de Florence, pag. 162, se trompe, en le faisant vivre plus de quatre-vingts ans.
  2. Palm., in Chronic., ad ann. 1370. Les imprimeurs de Vossius, de Hist. Lat., pag. 557, ont mis par erreur ciↄcccclxx.
  3. Volat., lib. XXI, pag. 772.
  4. Dans la remarque (A) de l’article de (François) Arétin.
  5. Philelphus, Epistolar. lib. XXXVII.

ARÉTIN (Pierre), natif d’Arezze, renommé par ses écrits sales et satiriques, vivait au XVIe. siècle [* 1]. Ceux qui voudront savoir ce que c’est qu’une médaille qu’on prétend qu’il fit frapper, pour apprendre à toute la terre la peur que les plus grands princes avaient eue de ses satires, le trouveront dans le Dictionnaire de M. Moréri. L’Arétin se vantait dans cette médaille d’avoir mis sous contribution ceux à qui les autres hommes payent des tributs et des impôts. Cette tradition est si générale, qu’il n’est pas moins connu sous le titre de Fléau des princes, que sous le nom de l’Arétin, ou sous celui de Pierre Arétin (A). On lui donne un autre titre fort glorieux : c’est le même dont toute l’antiquité honora le grand mérite de Platon, c’est celui de divin, il divino Aretino (B) : il a été qualifié sur des médailles divus Petrus Aretinus [a]. Quelques-uns ont dit que peut-être il se donnait cette qualité, pour signifier qu’il faisait les fonctions de Dieu sur la terre, par les foudres dont il frappait les têtes les plus émi-

  1. * Mazzuchelli, auteur d’une Vita di Pietro Aretino 1741, in-8o., a fourni à Joly le sujet de plusieurs remarques. Pierre Arétin naquit dans la nuit du 19 au 20 avril 1492. Il était fils naturel de Louis Bacci, dans la famille duquel on conservait autrefois les quittances de la pension qu’elle fournissait pour ses alimens ; mais le père Pierre-Jacques Bacci déchira ces quittances par horreur pour sa mémoire. Un sonnet qu’Arétin fit dans sa jeunesse contre les indulgences le contraignit à quitter sa patrie, pour aller à Pérouse où il exerça long-temps la profession de relieur de livres, et où il ne montra pas plus de respect pour la religion ; car ayant vu dans une place publique très-fréquentée une image où la Madeleine, les bras étendus et dans l’affliction, était représentée aux pieds de Jésus-Christ, il y retourna secrètement, dit Joly, et lui peignit un luth entre les mains.
  1. Spizelius, dans son Scrutin. Atheismi, pag. 19, assure qu’il en a vu.