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BRUNUS.

(C) Sa dernière maladie fit connaître combien il était considéré à la cour de France. ] Le roi et les plus grands seigneurs envoyaient savoir de ses nouvelles très-souvent : M. de Louvois lui envoya les plus fameux médecins : M. le Prince lui rendit visite : plusieurs seigneurs du premier rang le firent aussi.

BRUNUS (Léonard). Cherchez ARETIN (Léonard).


BRUNUS (Jordanus), natif de Nole, au royaume de Naples, était un homme de beaucoup d’esprit, mais il employa mal ses lumières[* 1] : car non-seulement il attaqua la philosophie d’Aristote (A), dans un temps où on ne le pouvait faire sans exciter mille troubles, et sans s’exposer à mille persécutions ; mais il attaqua aussi les vérités les plus importantes de la foi (B). On l’avait chassé d’Italie, et il s’était retiré dans un pays moins dangereux pour les philosophes de son caractère[a]. Il avait couru l’Allemagne, la France, etc., et il aurait bien fait de continuer ; car étant retourné en Italie, il y fut brûlé, dit-on, comme un impie, l’an 1600[* 2]. Nous donnerons le titre de quelques-uns de ses ouvrages (C), et quelque chose de plus touchant quatre ou cinq de ses autres livres (D). Il en fit qui n’étaient point philosophiques ; car il publia à Paris, en 1582, une comédie italienne intitulée Candelaio [b]. Il s’y donna le titre d’achademico di nulla achademia, detto il Fastidito. Il y a d’habiles gens, qui prétendent que M. Descartes a pris de lui quelques-unes de ses idées (E).

  1. * Joly n’a fait aucune remarque sur cet article. Leclerc n’en a fait qu’une qu’on verra plus bas.
  2. * Bayle a tort de douter du fait, dit Leclerc. La condamnation est du 9 février, l’exécution du 17. Leclerc renvoie au reste au XVIIe. volume des Mémoires de Niceron où Brunus a un bon article. Il en a aussi un très-étendu dans le Dictionnaire de Chaufepié pag. 454-462.
  1. Voyez la IIe. lettre d’Acidalius : elle fut écrite, l’an 1592, au baron Forgats, qui était alors à Padoue. Acidalius lui demanda s’il était vrai, comme le bruit en avait couru, que Jordanus Brunus enseignait à Padoue ?
  2. Du Verdier, in Suppl. Bibl. Gesn., pag. 33.

(A) Il attaqua la philosophie d’Aristote. ] Voyez le livre intitulé Jordani Bruni Nolani Camæracensis Acrotismus, seu rationes articulorum physicorum adversùs peripateticos Parisis propositorum, etc. Il fut imprimé à Wittemberg, l’an 1588, in-8. Vous y trouverez une lettre que Brunus écrivit à Henri III, celle qu’il écrivit au recteur de l’université de Paris, et celle qu’il écrivit aux amis de la bonne philosophie, Parisiensibus et aliis è generosissimis Galliarum regno philosophis sensatioris philosophiæ dogmatum amicis et defensoribus. Vous y trouverez, Excubitor, seu Joannis Hennequini Apologetica declamatio habita in auditorio regio parisiensis academiæ in festo Pentecost. anno 1586 pro Nolani articulis : et, à la fin des articles, vous lirez, Articuli de naturâ et mundo à Nolano in principibus Europæ academiis propositi, quos Joannes Hennequinus, nobilis Parisiensis, sub ejusdem felicibus auspiciis contrà vulgaris et cujuscumque adversariæ philosophiæ professores triduo Pentecostes in universitate Parisiorum defendendos evulgavit : brevibus adjectis rationibus[1]. Ceci nous donne l’idée d’un personnage, qui, en matière de philosophie, fait le chevalier errant, et s’engage en divers lieux à l’emprise, à l’écu pendant, à des gardes de pas, etc.

(B) ..... et les vérités les plus importantes de la foi. ] On prétend qu’il

  1. Tiré de Nicodemo, Addizioni alla Bibliot. Napolet., pag. 90. Ce livre fut imprimé à Naples, l’an 1683.