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DAVID.

de sujet à deux articles ou à deux chapitres. Le fait serait que David, ayant en ses mains la vie de Saül, son cruel persécuteur, l’aurait conservée précieusement. Les deux manières de conter la chose seraient, 1o. que Saül, obligé par quelque nécessité naturelle de s’écarter de ses gens, entra dans une caverne où était David ; 2o. que David se glissa de nuit jusqu’à la tente de Saül, les gardes dormant profondément. Je laisse au père Simon, et à des critiques de sa volée, à examiner s’il serait possible que les livres historiques du Vieux Testament rapportassent deux fois la même chose. Il me semble que l’action des Ziphiens, rapportée dans le chapitre XXIII du Ier. livre de Samuel, n’est point différente de celle qui est rapportée dans le chapitre XXVI du même livre. Quiconque voudra faire le parallèle de ces deux récits sera sans doute de mon sentiment. Ce qu’il y a de bien certain, c’est que Saül n’a point persécuté David depuis la seconde réconciliation : c’est la seconde faute de M. Moréri.

II. Il assure que David fut si bien reçu d’Akis, roi de Geth, que sa nouvelle faveur faillit à faire soulever les grands. Il n’y a pas un mot de vrai dans tout cela, et je ne vois rien qui ait pu produire cette fausseté, que les soupçons que l’on forma contre David, lorsqu’on le vit avec ses troupes à l’arrière-garde de l’armée philistine. Les chefs voulurent absolument qu’il s’en retournât dans la ville qui lui avait été donnée [1]. Il y avait une grande différence entre ces chefs et les grands de la cour du roi de Geth.

IV. Le prétendu mécontentement des grands n’obligea pas David à se retirer de cette cour. Il s’en retira par respect ; il craignit que lui et ses gens n’incommodassent le prince par leur séjour dans la capitale : il pria donc Akis de lui assigner une autre demeure ; ce qui lui fut accordé. Ceci avint avant que les chefs des Philistins demandassent que David sortît de leur camp.

V. Il ne fallait pas dire que David revint à Siceleg, puisque l’on n’avait pas dit qu’il y eût déjà séjourné.

(I) L’article de David du dictionnaire de la Bible me fournira la manière d’une remarque. ] Les imprimeurs en étaient ici, lorsqu’on m’a fait voir un dictionnaire [2], que j’ai consulté tout aussitôt à l’article du prophète David. J’y ai trouvé des endroits qui m’ont donné lieu à faire des observations, 1o. Il n’est point vrai que David soit venu au monde 110 ans avant la naissance de Jésus-Christ : il y a plus de mille ans [3] entre la naissance de l’un et la naissance de l’autre. 2o. L’auteur s’efforce d’ôter la difficulté qui saute aux yeux de tous les lecteurs, quand ils considèrent que Saül ne connaît point David le jour que Goliath fut tué : il s’efforce, dis-je, de la lever, et il s’y embrouille plus qu’il ne faudrait ; car il dit en un endroit [4] que David, âgé de 17 ans, alla jouer de la harpe auprès de Saül, et en un autre [5] il ne lui donne que 14 ou 15 ans, et la taille d’un fort petit garçon. Peu après, voulant réfuter ceux qui disent que le combat contre Goliath précéda le jeu de la harpe, il se fait une objection spécieuse tirée de ce que ceux qui proposèrent David comme un sujet propre à chasser par la panne le démon qui affligeait Saül, lui donnèrent l’éloge de vaillant homme et de bon guerrier [6]. Je réponds à cela, dit-il, qu’on ne doit pas conclure par ces deux mots, fortissimum et bellicosum, que le combat soit avant le jeu de la harpe, puisqu’on peut donner le nom de fort à qui que ce soit, pourvu qu’il le soit véritablement selon son âge. Est-ce pas être très-fort que de prendre les ours et les lions à la course, combattre contre eux et les étouffer ? Voilà une réponse qui suppose que David étant encore fort petit, et un jeune garçon de 14 ou 15 ans, s’était battu contre des lions, les avait pris à la course, les avait étouffés ; et pouvait être appelé un homme fort, un homme guerrier, un homme qui parlait bien. Cette diffi-

  1. Ier. livre de Samuel, chap. XXIX.
  2. C’est le Dictionnaire de la Bible, composé par M. Simon, prêtre, docteur en théologie, et imprimé à Lyon, 1693, in-folio.
  3. Il y en a 1090, selon Calvisius.
  4. Pag. 249.
  5. Pag. 259.
  6. Et respondens unus de pueris ait : ecce vidi filium Isai Bethlemitem scientem psallere, et fortissimum robore, virum bellicosum, etc. Ibid. pag. 259.