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DAVID (variantes).

mes et toutes les femmes au pays des Amalécites, etc., et pour enlever tous les bestiaux qu’il y trouvait ? Je consens que l’on me réponde que nous connaissons mieux aujourd’hui le droit des gens, le jus belli et pacis dont on a fait de beaux systèmes ; et qu’ainsi on était plus excusable en ce temps-là qu’on ne le serait aujourd’hui. Mais le profond respect que l’on doit avoir pour ce grand roi, pour ce grand prophète, ne nous doit pas empêcher de désapprouver les taches qui se rencontrent dans sa vie ; autrement nous donnerions lieu aux profanes de nous reprocher qu’il suffit, afin qu’une action soit juste, qu’elle ait été faite par certaines gens que nous vénérons. Il n’y aurait rien de plus funeste que cela à la morale chrétienne. Il est important pour la vraie religion que la vie des orthodoxes soit jugée par les idées générales de la droiture et de l’ordre.

(E) Il ne tint pas à lui qu’il ne se battit contre les Israëlites. ] Pendant que David, avec son petit camp volant, exterminait tous les pays infidèles où il pouvait pénétrer, on se préparait dans le pays des Philistins à faire la guerre aux Israélites. Les Philistins assemblèrent toutes leurs forces ; David et ses braves aventuriers se joignirent à l’armée d’Akis, et se seraient battus comme des lions contre leurs frères, si les Philistins soupçonneux n’eussent contraint Akis de les renvoyer. On appréhenda que dans la chaleur du combat ils ne se jetassent sur les Philistins, afin de faire leur paix avec Saül. Lorsque David eut appris qu’à cause de ces soupçons il fallait qu’il quittât l’armée, il en fut fâché [1]. Il voulait donc contribuer de toute sa force à la victoire des Philistins incirconcis sur ses propres frères, le peuple de Dieu, les sectateurs de la vraie religion ? Je laisse aux bons casuistes à juger si ces sentimens étaient dignes d’un véritable Israélite.

(F) [ C’est la remarque (E) de l’autre version. ] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’auteur de ce fratricide coucha avec les concubines de David. Quel scandale pour les bonnes âmes que de voir tant d’infamies dans la famille de ce roi !

(G) [ C’est la remarque (F) de l’autre version. ]

(H) On croit ordinairement que son adultère, etc., sont les seules choses qu’on lui puisse reprocher...... Il y a bien d’autres choses à reprendre dans sa vie. ] Nous en avons marqué déjà quelques-unes qui se rapportent au temps qu’il était homme privé ; en voici quelques autres qui appartiennent au temps de son règne.

I. On ne saurait bien excuser sa polygamie ; car encore que Dieu la tolérât en ce temps-là, il ne faut pas croire qu’on pût l’étendre bien loin sans lâcher un peu trop la bride à la sensualité. Mical, seconde fille de Saül, fut la première femme de David ; on la lui ôta pendant sa disgrâce [2] : il en épousa successivement quelques autres [3], et ne laissa pas de redemander la première : il fallut pour la lui rendre la ravir à un mari qui l’aimait beaucoup, et qui la suivit aussi loin qu’il lui fut possible, pleurant comme un enfant [4]. David ne fit point scrupule de s’allier avec la fille d’un incirconcis [5] ; et quoiqu’il eût des enfans de plusieurs femmes, il prit encore des concubines à Jérusalem. Il choisissait sans doute les plus belles qu’il rencontrait ; ainsi l’on ne saurait dire que, par rapport aux voluptés de l’amour, il ait eu beaucoup de soin de mécontenter la nature.

II. Dès qu’il eut appris la mort de Saül, il songea, sans perdre temps, à recueillir la succession. Il s’en alla à Hébron, et, aussitôt qu’il y fut arrivé, toute la tribu de Juda, dont il avait gagné les principaux par ses présens, le reconnut pour roi [6]. Si Abner n’avait conservé au fils de Saül le reste de la succession, il est indubitable que par la même méthode, je veux dire en gagnant les principaux

  1. Et David dit à Akis, mais qu’ai-je fait ? et qu’as-tu trouvé en ton serviteur depuis le jour que j’ai été avec toi jusqu’a ce jourd’hui, que je n’aille point combattre contre les ennemis du roi, mon seigneur ? Ier. livre de Samuel, chap. XXIX, vs. 8.
  2. Ier. livre de Samuel, chap. XX, vs. 44.
  3. IIe. livre de Samuel, chap. III et V.
  4. Là même, chap. III, vs. 16.
  5. Talmai, roi de Guesçur. Là même, vs. 3.
  6. Histoire de la Vie de David, par l’abbé de Choisi, pag. 45.