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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/453

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DÉJOTARUS.

Lycaonie et la Pamphylie, en 718 [1]. Or, parce que Dion assure qu’en 714 les triumvirs donnèrent à Castor les états de Déjotarus, décédé dans la Galatie, et ceux d’Attalus, décédé au même pays [2], je croirais facilement que Strabon se trompe lorsqu’il donne Amyntas pour successeur immédiat à Déjotarus. Il me semble qu’il vaut mieux dire avec Dion que Castor succéda à Déjotarus, et nous donnerons ensuite Amyntas pour le successeur de Castor. Le père Noris a beau prouver par quelques exemples que Dion est accoutumé de donner au fils le nom du père, il ne me persuadera point que cela soit arrivé par rapport à Castor : et quand même cela serait arrivé, le père Noris ne laisserait pas d’avoir commis une faute [3] ; car en ce cas-là Dion n’aurait pas pu prendre Castor pour Déjotarus, puisque Castor n’était pas le fils de Déjotarus, mais seulement le fils de sa fille. Castor, qui accusa son aïeul, à Rome, d’avoir attenté à la vie de César, est apparemment celui dont Dion a fait mention comme de celui qui succéda à Déjotarus. Pour ce qui regarde Déjotarus Philadelphe, roi de Paphlagonie, fils de Castor [4], j’avoue que je ne sais d’où tirer son extraction. Je ne sais point si son père est le même Castor qui accusa son aïeul ; cela pourrait être : je sais seulement qu’il abandonna Marc-Antoine dans la guerre d’Actium pour se joindre à Octavius [5], et qu’il fut le dernier roi de Paphlagonie [6].

Je ne finirai point cette remarque sans avertir mon lecteur que, quand j’ai parlé de Saocondanius, gendre de Déjotarus, j’ai pris les paroles de Strabon autrement qu’on n’a coutume de les prendre. Τὀ τοῦ Κάςορος βασίλειον τοῦ Σαωκονδαρίου, ἐν ᾧ γαμϐρὸν ὄντα τοῦτον ἀπέσϕαξε Δηϊόταρος, καὶ τὴν θυγατέρα τὴν ἑαυτοῦ. Voilà les paroles de Strabon [7] : elles peuvent signifier : La capitale de Castor Saocondarius, dans laquelle Déjotarus, son beau-père, le fit mourir, lui et sa femme ; ou bien, La capitale de Castor, fils de Saocondarius, dans laquelle ce dernier fut mis à mort avec sa femme par Déjotarus, son beau-père. Cette dernière traduction [8] m’a semblé meilleure que l’autre, parce que je suis certain que Castor était fils de la fille de Déjotarus, et que, ne sachant point comment s’appelait son père, il m’est aussi permis de l’appeler Saocondarius que de lui donner un autre nom. Remarquez en passant un avantage de notre langue sur la langue grecque. Celle-ci ne condamnait pas un arrangement de mots où l’on pouvait prendre un terme aussitôt pour le surnom que pour le père d’un homme.

On m’alléguera peut-être Suidas, qui a donné au gendre de Déjotarus le nom de Castor ; mais l’autorité de Suidas est ici tout-à-fait nulle. Il suppose que Déjotarus fut accusé par son gendre auprès de César. C’est un grand défaut d’exactitude. Cicéron, l’avocat de l’accusé, et par conséquent plus croyable que cent mille Suidas, déclare nettement et formellement, en plusieurs endroits de son plaidoyer, que Castor, petit-fils de Déjotarus, fut l’accusateur, et ne parle que faiblement, et en termes indirects, de la part que le père de ce Castor pouvait avoir au complot. Je ne doute pas que le fils n’ait eu l’agrément de son père, ni que Déjotarus n’ait pris cela pour prétexte de la barbarie dont il usa envers son gendre ; mais, après tout, l’exactitude demande que l’on suive ici le témoignage de Cicéron. De plus, le bon Suidas n’a-t-il pas dit que Déjotarus était sénateur romain ? N’est-ce pas une ignorance si crasse qu’elle le rend tout-à-fait indigne d’être cru sur cet article ? Nous verrons ci-dessous si le gendre de Déjotarus a été savant, et auteur de plusieurs livres.

(H) Il eut un... gendre, contre lequel il entreprit une guerre de reli-

  1. Dio, lib. XLIX, pag. 469.
  2. Idem, lib. XLVIII, pag. 430.
  3. Post pugnam Philippensem scribit Dio lib. 48. Castori etiam cuidam Attali et Dejotari in Gallogræciâ defunctorum ditio tradita est. A. V. 714, debuit dicere Dejotaro, non Castori. Dio non semel filios alieno nomine, videlicet patrum eorundem, appellat. Noris, Cenotaph. Pis., pag. 209.
  4. Strabo, lib. XII, pag. 387.
  5. Dio, lib. L, pag. 488.
  6. Strabo, ibidem.
  7. Lib. XII, pag. 391.
  8. Le père Abram la suit constamment dans son Commentaire sur l’oraison de Cicéron pour Déjotarus.