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DÉMOCRITE.

studio prolapsum [1]. Nous verrons d’autres passages dans la remarque qui suit.

Pline est louable de n’avoir rapporté les prétendues vertus occultes du caméléon qu’afin de les décrier et de s’en moquer : mais il serait encore plus digne de louange, s’il avait gardé pour Démocrite une partie de son incrédulité ; je veux dire s’il n’eût pas cru trop légèrement que ce philosophe fût l’auteur de cet ouvrage, et de plusieurs autres qui couraient injustement sous son nom. La pensée d’Aulu-Gelle me paraît fort raisonnable, que ce n’est point Démocrite qui est l’auteur de ces contes touchant le caméléon, et touchant l’intelligence du chant des oiseaux ; mais que certains charlatans s’étaient couverts de l’autorité de ce fameux philosophe. Librum esse Democriti nobilissimi philosophorum de vi et naturâ chamæleontis, eumque se legisse Plinius secundus in Naturalis Historiæ vicesimo Octavo refert ; multaque vana atque intoleranda auribus deindè quasi a Democrito scripta tradit.… His portentis atque præstigiis à Plinio secundo scriptis non dignum esse cognomen Democriti puto… Multa autem videntur ab hominibus istis malè sollertibus hujuscemodi commenta in Democriti nomen data, nobilitatis auctoritatisque ejus perfugio utentibus [2]. On ne peut que faire ce jugement, quand on se souvient du caractère que Lucien lui a donné. Il met Démocnite, Epicure, Métrodore, dans la classe de ces esprits forts qui ont une âme de diamant contre ceux qui leur veulent persuader les prodiges. À son compte, Démocrite demeure toujours persuadé que les faiseurs de miracles ne font rien que par artifice : il cherche la manière dont ils trompent, et s’il ne peut la trouver, il ne laisse pas de croire qu’il n’y a là que de l’imposture. Ὥςε πάνυ τὸ μηχάνημα ἐδεῖτο Δημοκρίτου τινὸς...... ἀδαμαντίνην πρὸς ταῦτα καὶ τὰ τοιαῦτα τὴν γνῶμην ἔχοντος, ὡς ἀπιςῆσαι. Ut res planè Democritum aliquem requireret…..…. qui adversùs hæc et similia mentem haberet adamantinam ut non crederet etc. [3].

(K) Il faudrait croire qu’il était fort adonné à la magie. ] Cela ne s’accorde nullement avec les idées de Lucien qui viennent d’être alléguées. Quoi qu’il en soit, il est juste d’entendre Pline [4] : Certè Pythagoras, Empedocles, Democritus, Plaito ad hanc (magicen) discendam navigavêre, exsiliis veriùs, quàm peregrinationibus, susceptis. Hanc reversi prædicavêre, hanc in arcanis habuêre. Democritus Apollobobechem Coptiten, et Dardanum è Phœnice illustravit, voluminibus Dardani in sepulcrum ejus petitis, suis [5] verò ex disciplinâ eorum editis : quæ recepta ab aliis hominum, atque transiisse per memoriam, æquè ac nihil in vitâ, mirandum est. In tantum fides istis fasque omne deest, adeò ut ii qui cœtera in viro illo probant, hæc ejus esse opera inficientur. Sed frustrà. Hunc enim maximè affixisse animis eam dulcedinem constat. Plenumque miraculi et hoc, pariter utrasque artes effloruisse : medicinam dico, magicenque, eâdem ætate illam Hippocrate, hanc Democrito illustrantibus. J’ai rapporté le passage un peu au long, afin d’apprendre à mon lecteur, 1o. que les partisans de Démocrite ont toujours nié qu’il eût fait les livres magiques qu’on lui imputait ; 2o. que Pline leur a soutenu que cette attribution était bien fondée. Passons à un autre endroit de Pline [6] : In promisso herbarum mirabilium occurrit aliqua dicere et de magicis : quæ enim mirabiliores sunt ? Primi eas in nostro orbe celebravêre Pythagoras atque Democritus consectati magos. Peu après il observe qu’on ne voulait pas convenir que certains livres attribués à ces deux grands hommes fussent sortis de leur plume ; et voici ce qu’il répond : Nec me fallit hoc volumen ejus à quibusdam Cleemporo medico adscribi : Pythagoræ pertinax fama antiquitasque vindicavit. Et id ipsum auctoritatem voluminibus affert [7], se quis alius

  1. Plin., lib. XXVIII, cap. VIII.
  2. Aulus Gellius, lib. X, cap. XII.
  3. Lucianus, in Pseudom., pag. 873, tom. I.
  4. Plin., lib. XXX, cap. I.
  5. Le père Hardouin cite ici Clément d’Alexandrie, l. 1 Stromat., pag. 303, qui a dit que Démocrite expliqua une colonne d’Acicari, auteur babylonien, et en inséra l’explication dans ses écrits.
  6. Plin., lib. XXI, cap. XVII.
  7. Cette raison est faible ; car combien de méchans livres fait-on courir sous des noms célèbres, et principalement en matière de magie ?