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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/496

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DES-BARREAUX.

qu’il pourrait désirer. Bois-Robert s’acquitta de sa commission avec beaucoup d’adresse ; mais Des-Barreaux ne répondit à cette ouverture qu’en plaisantant, et feignant toujours de croire le cardinal incapable d’une telle faiblesse. Ce ministre en fut si irrité qu’il persécuta Des-Parreaux tant qu’il vécut, et l’obligea à se défaire de sa charge et à sortir du royaume [1]. »

Celui qui nous a fourni des mémoires touchant M. Des-Barreaux nous avait promis la réfutation de ce passage des Galanteries des rois de France ; mais une longue maladie l’a empêché de nous envoyer cela.

(E) Il se plaisait à changer de domicile selon les saisons de l’année. ] Il allait chercher les bons fruits et les bons vins dans les climats où ils excellaient. Mais principalement il allait chercher le soleil sur les côtes de Provence pendant l’hiver. Il passait à Marseille les trois mois de la vilaine saison. La maison qu’il appelait sa favorite était dans le Languedoc : c’était celle du comte de Clermont de Lodève, où il disait que la bonne chère et la liberté étaient dans leur trône. Il avait en Anjou la maison du Lude, où était autrefois l’abord des plus beaux esprits et des plus honnêtes gens. Il alla voir quelquefois M. de Balzac [2] sur les bords de la Charente ; mais où il a le plus régenté, c’est à Chenailles sur la Loire, maison agréable, et autrefois de plaisir et de bonne chère. Elle appartenait à l’un de ses oncles, et puis à M. de Chenailles son cousin germain, conseiller au parlement de Paris [3]. Il faut que j’ajoute que les plaisirs de l’esprit étaient quelquefois le sujet de ses voyages, comme quand il vint exprès en Hollande pour y voir M. Descartes son ami, et pour profiter des instructions de ce grand génie [4].

(F) Il avait fait un sonnet dévot… qui est connu de tout le monde. ] Je ne laisserai pas de le mettre ici tout du long.

Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d’équité ;
Toujours tu prends plaisir à nous être propice :
Mais j’ai tant fait de mal, que jamais ta bonté
Ne me pardonnera sans choquer ta justice.
Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice :
Ton intérêt s’oppose à ma félicité ;
Et ta clémence même attend que je périsse.
Contente ton désir, puisqu’il l’est glorieux ;
Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux ;
Tonne, frappe, il est temps, rends-moi guerre pour guerre.
J’adore en périssant la raison qui t’aigrit ;
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerres
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ.


L’auteur de l’Art de parler trouve ce sonnet admirable [* 1]. Il l’a inséré dans son livre comme un exemple de la figure que les rhéteurs nomment épistrophe ou consentement [5]. On trouve ce sonnet dans une lettre de M. Boursault. Le titre de cette lettre marque qu’elle fut écrite à M. Des-Barreaux qui ne croyait en Dieu que lorsqu’il était malade. [6] L’auteur lui parle de la mort d’une malheureuse femme qui était l’opprobre de son sexe, et qui laissa des enfans qui étaient les héritiers de son infamie. Il prétend que par cette mort Dieu avait brisé les obstacles qui empêchaient Des-Barreaux de s’approcher de lui. Concluons de là que cette femme avait été la maîtresse de ce libertin. On ajoute qu’on ne doute point que des mauvais exemples qu’ils s’étaient mu-

  1. * Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV (Catalogue des écrivains), dit : « Il est très-faux que ce sonnet soit de Des-Barreaux. Il était très-fâché qu’on le lui imputât. Il est de l’abbé de Lavau (depuis membre de l’académie française, pour avoir négocié le mariage d’une fille de Colbert avec le duc de Mortemart), qui était alors jeune et inconsidéré. J’en ai vu la preuve dans une lettre de l’abbé de Lavau à l’abbé Servien. » Si un témoignage aussi positif avait besoin d’être confirmé, j’ajouterais que Joly, sans nommer l’auteur du sonnet, rapporte que la Monnoie doutait fort que Des-Barreaux fût auteur du sonnet.
  1. Galanteries des rois de France, tom. II, pag. 180, édition de Hollande, 1695.
  2. Voyez la lettre que M. de Balzac lui écrivit le 12 octobre 1641, elle est la XXVIe. du IIe. livre de la IIe. partie des Lettres choisies. La cousine dont il lui parle, qui ne se voulait pas remarier, est sans doute la comtesse de Bouteville.
  3. Il s’est retiré à la Haye, pour la religion, en 1694.
  4. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, pag. 176.
  5. Art de parler, liv. II, chap. III, pag. 100, édition de Hollande, 1679.
  6. Lettres nouvelles de M. Boursault, pag. 18, édition de Hollande, 1698.