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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/511

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DIAGORAS.

dam olim pugilem Nicodorum apud Mantinenses factum esse præstantissimum legislatorem : nec alio quàm Diagoræ athei hominis consilio usum esse, ab eoque leges accepisse, quas ferret. De Diocletiano, et ipsis adeò romani juris auctoribus, idem dici posse videtur. Ego verò in eâ persto sententiâ, magnam esse et legum labem, et civitatum perniciem, impietatem : et potiùs quàm hæc jus dicat, optandum esse, nullam planè esse jurisdictionem, nullam legem, civitatem nullam. Fremant licet Epicuræi hujus ætatis legulei : ego tamen Diagoræ leges suspectas esse contendam [1]. Un esprit exact n’eût point parlé de la sorte, il eût marqué avec beaucoup plus de justesse ce qu’il fallait distinguer. Si ceux qui exercent la justice, soit par l’établissement des lois, soit par l’exécution des édits et des ordonnances du législateur, étaient tout ensemble dans les principes de l’athéisme, et animés de passion contre tout ce qui appartient à la piété et à la vertu, il est certain qu’il vaudrait mieux vivre sans lois et sans tribunaux, que d’être soumis à une telle juridiction ; mais si, nonobstant leur athéisme, ils avaient du zèle pour le bien public, et se piquaient de faire valoir les réglemens qu’ils jugeraient les plus propres à réprimer les malfaiteurs, à prévenir les chicanes, à maintenir les droits des veuves et des orphelins, la bonne foi dans le commerce, la concorde dans les familles, etc. ; qui doute qu’il ne fût incomparablement plus avantageux de vivre sous de tels législateurs ou sous de tels juges, que sans aucune juridiction ? Mais pour mieux connaître combien Baudouin avait l’esprit faux quand il composait cette partie de son ouvrage, il suffit de considérer deux choses : l’une que n’ayant point d’autre connaissance des lois de Diagoras, que celle qu’il avait acquise par la lecture d’Élien, il ne laisse pas de dire qu’elles lui sont suspectes ; et cependant Élien, quelque disposé qu’il fût à ne rendre point justice à Diagoras, les avait louées le plus magnifiquement du monde. La seconde chose qu’il faut remarquer est que Baudouin compare l’empereur Dioclétien, et les auteurs du droit romain avec le législateur de Mantinée dirigé par notre Diagoras. Il admire les belles lois qu’ils ont faites ; il s’étonne seulement que des impies aient pu former un si excellent ouvrage ; et trois lignes après il nous vient dire qu’il vaudrait mieux n’avoir ni lois ni police, que d’en avoir qui fussent dressées par l’impiété, c’est-à-dire par les empereurs qui persécutèrent les chrétiens. Equidem cum sæpè cogito, in rebus civilibus præstantissimos fuisse legislatores, quos hactenus Ecclesiæ hostes acerrimos fuisse dixi, et eorum quotidiè nomina et tituli in iis, quos sœpè volvimus, libris juris civilis occurrant : sæpè etiam attonitus obstupesco tam et a verà religione aversam esse sapientûm (ut vocantur) hominum mentem, tamque omnium propè regnorum imperiorumque omnem constitutionem esse à rectâ pietate alienam et abhorrentem : ut quos alioqui prudentissimos nomothetas laudare solemus, insanos carnifices in hâc causâ execrari cogamur [2]. Plus je lis, plus je me persuade qu’il n’est pas aussi difficile de trouver des écrivains qui aient de belles et de bonnes pensées, que d’en trouver qui les expriment sans s’embarrasser dans quelque mauvais raisonnement : un bon logicien est plus rare qu’on ne pense.

(I) Cicéron rapporte quelques reparties profanes de Diagoras. ] Étant à Samothrace, on lui montra plusieurs tableaux qui étaient autant d’Ex-voto appendus par des personnes réchappées d’un naufrage : Regardez-cela, lui dit-on, vous qui ne croyez pas qu’il y ait une providence. Je ne m’étonne pas, répondit-il, de voir les tableaux de ceux qui sont réchappés : la coutume est que l’on peigne ces gens-là ; mais on ne s’avise de représenter nulle part ceux qui périssent sur mer. Diagoras cùm Samothraciam venisset, atheos ille qui dicitur, atque ei quidam amicus, Tu qui Deos putas humana negligere, nonne animadvertis ex his tabellis pictis quam multi votis vim tempestatis effugerint, in portumque

  1. Francisc. Balduinus ad edicta principum Romanorum de Christianis, pag. m. 111.
  2. Idem, ibid.