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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/513

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DIANA.

est plus facile de convertir à la vraie religion un païen superstitieux, qu’un athée. Muret [1] approuve le sentiment de ce père, touchant la cause qui a fait passer pour athée Diagoras et quelques autres ; mais il est sûr qu’ils se trompent. Diagoras a eu la réputation d’athée, parce qu’il rejetait absolument et sans nulle restriction l’existence de la divinité. Voyez ci-dessus la remarque (D). Il ne faut compter pour rien ce que l’on trouve dans les scolies d’Aristophane, Διαγόρας μελῶν ποιητὴς ἀθεος, ὃς καὶ καινὰ δαιμόνια εἰσηγεῖτο : C’est-à-dire : Le poëte Diagoras athée, qui aussi introduisait de nouvelles divinités. Un tel témoignage, opposé aux autorités contraires, est une mouche opposée à un éléphant.

  1. Muret., Variar. Lect. lib. X, cap. XVII.

DIANA [* 1] (Jean-Nicolas de), jésuite, ne m’est connu que par la persécution qu’il souffrit pour un sermon qu’il avait prêché sur saint Lucifer. Les inquisiteurs de Sardaigne condamnèrent ce sermon, et firent paraître beaucoup d’animosité contre ce jésuite. Il n’acquiesça point à leur jugement ; et il employa tant de moyens de défense, qu’enfin il remporta la victoire, la treizième année du procès. Diégo Arze-Reynoso, inquisiteur général, cassa toutes les procédures du tribunal de Sardaigne, et châtia quelques-uns des assesseurs ; et pour mieux réhabiliter la réputation de Diana, il le créa qualificateur du conseil suprême de l’inquisition, et le déchargea de toute note par un décret expédié le 19 de décembre 1653 [a]. J’en rapporterai un morceau (A), afin qu’on voie les iniquités qui se commettent dans ces procédures, mais non pas toujours impunément.

  1. * Ni Ribadeneira, ni Alegambe, ni Sotuel n’a donné place à Diana dans la Bibliotheca scriptorum societatis Jesu. Il est étonnant que cette remarque ait échappé à Bayle.
  1. Tiré d’un écrit intitulé : Libellus supplex à Patribus Societatis Jesu provinciæ Toletanæ catholico Hispaniarum regi oblatus Madriti anno 1696, mense aprili, contra libellum supplicem eidem regiæ majestati oblatum à RR. PP. carmelitis ad suadendum ut universis imponatur silentium circa antiquitatem ordinis carmelitici tenendum, post decretum inquisitionis Toletanæ contra 14 volumina de Actis sanctorum.

(A) Il fut déchargé par un décret du 19 décembre 1653. J’en rapporterai un morceau. ] Je le tire de la requête que les jésuites de la province de Tolède présentèrent au roi d’Espagne l’an 1696 [1]. Ils prétendent que la requête présentée par les carmes au même prince est injuste, vu qu’elle tend à obtenir que l’on garde le silence de part et d’autre depuis que l’inquisition de Tolède a condamné quatorze volumes des Acta sanctorum. Ces jésuites exposent entre autres choses, que, selon le style du saint office, il est permis de se pourvoir contre les décrets de l’inquisition, et que lorsque l’inquisition à condamné un livre, elle ne prétend pas ôter à l’auteur la liberté de justifier ses sentimens. Ils montrent que l’apologie d’un livre condamné par ce tribunal a été trouvée quelquefois si forte, que l’inquisition a révoqué sa sentence [2], et ils le prouvent par l’issue du long procès du jésuite Jean-Nicolas de Diana. Sa réputation demeura noircie plusieurs années ; mais ayant fait voir la partialité de ses juges, il obtint glorieusement la cassation de leur sentence. Per annos omninò duodecim et quinque menses gravissimè passus est optimus ille jesuita pro defensâ veritate : et fuit hæc quidem veritas densis adeò passionum obfuscata nebulis, ut tantùm non pateretur eclipsim. Fuit auctori necesse adversùs Sardiniæ inquisi-

  1. J’en rapporte le titre tout entier dans la citation (a) de cet article.
  2. Quod ita non raro factum est ut inquisitio edicta sua revocaverit ac propositiones modo confixas suo pristino restituerit splendori, quin et novis approbationibus ac laudibus exornarit. Libell. Supplex, pag. 5.