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DONEAU.

Doneau, qui, selon le propre récit de mon auteur [1], n’enseigna le droit à Bourges qu’après y avoir reçu le doctorat en cette science, l’an 1551. Ce fut Duaren qui lui conféra ce grade le 17 de juillet. Le discours qu’il fit en cette occasion, à la louange de Doneau, est imprimé parmi ses œuvres. Le père Jacob [2], qui avait lu l’oraison funèbre de Doneau faite par Scipion Gentilis, a mieux distingué que Paul Fréher ce qu’il fallait distinguer. Il s’est contenté de dire que Doneau fut fort assidu aux leçons d’Éguinard Baron, et à celles de Francois Duaren, et qu’il s’insinua dans leurs bonnes grâces, et que Duaren surtout lui témoigna une affection singulière. J’ai corrigé une autre faute de Paul Fréher, il nomme Arnoldum Ferronum l’un des professeurs de Toulouse, dont notre Doneau fut disciple : il fallait le nommer Arnoldum Ferrerium, comme a fait le père Jacob. Prenez ceci pour un exemple de la négligence dont j’ai parlé ci-dessus [3].

(C) Il fut assez imprudent pour s’engager... dans la faction de Leicester. ] Leicester avait amené 6000 Anglais en Hollande, sur la fin de l’an 1585 ; et au lieu de maintenir la liberté de cette nouvelle république, il tâcha de s’y ériger en souverain : et comme il n’ignorait pas que le peuple soutenu par les prédicateurs s’attachait aux intérêts du gouverneur, contre les magistrats, il fomenta adroitement ces dispositions du peuple, et y réussit d’autant plus facilement, que la faction opposée s’attirait la haine des ecclésiastiques, en s’opposant à l’autorité des consistoires. M. Huber [4], qui m’apprend cela, ajoute que ceux qui étaient du parti des consistoires soutenaient que la souveraineté n’appartenait point aux magistrats, mais au peuple ; thèse que les états de Hollande firent condamner le 16 d’octobre 1587. Toutes ces menées de Leicester remplirent de partialités la nouvelle république, et l’on découvrit même des complots par où il tâchait de s’assurer des plus grandes villes, et de Leyde nommément. Voilà les affaires où notre Donellus se trouva mêlé, et pour lesquels il fut banni [5]. Eam conjunctionem (plebis et concionatorum cum gubernatore) Leicestrius imprimis curæ habuit, obtrectando optimatibus, et concionatores plebesque specie religionis sibi conciliando. Quâ in re multùm ei profuit, quod optimates disciplinæ ecclesiasticæ ferè adversabantur, et consistoria sibi adversa reputantes, quantùm poterant, cohibere gaudebant. Quorum patroni vicissim plebi inculcabant, jus supremum non esse penes proceres, sed penes populum, cui isti rationem reddere cogerentur. Contra quam sententiam ordines Hollandiæ decretum sive disputationem publicam ediderunt d. 16 octobre 1587 [6]. Bien des gens ajouteront plus de foi à ceci sur la parole de M. Huber, que sur celle de Grotius ; c’est pourquoi je ne cite pas ce que ce dernier a dit, au livre V de son Histoire du Pays-Bas. C’est ainsi qu’il le faut citer, et non pas au Ve. livre de ses Annales [7]. Doneau ne fut pas le seul professeur qui cabala contre l’autorité des États en faveur de l’Angleterre. Lambert Daneau, ministre français réfugié en Hollande, et professeur en théologie à Leyde, s’engagea dans cette cabale [8]. C’était, si l’on en veut croire M. de Thou, la faction des prédicateurs et celle de la populace, et leur but était de soumettre la république à la domination des Anglais [9].

(D) M. de Thou a fait quelques fautes. ] Selon son narré, il faudrait croire que Doneau en sortant de France s’en alla à Leyde. Qui cùm primùm Avarici Biturigum [10] diù docuisset, post

  1. Paul Fréher.
  2. Ludovicus Jacob, de claris Scriptor. Cabilonensibus, pag. 42.
  3. Dans la remarque (B) de l’article Démétrius, citat. (19), pag. 455.
  4. Professeur en droit à Franeker. Il mourut le 8 de novembre 1694.
  5. Insidiæ quoque civitatibus Hollandiæ occupandis, nominatim Dordraco Leydæque factæ sunt, ubi proditores quidem capite, et Hugo Donellus Juris Antecessor exilio mulctati sunt. Ulricus Huber., in Historiâ civil., tom. II, pag. 413.
  6. Idem, ibid., pag. 412, 413.
  7. M. Teissier, Additions aux Éloges, tom. II, pag. 424, cite le Ve. livre des Annales.
  8. Thuan., lib. LXXXVIII, pag. 147.
  9. Là même, p. 146 et seq.
  10. C’est-à-dire, à Bourges, et non pas à Bourdeaux comme on l’a dit dans la traduction de M. de Thou, dans Teissier, Éloges, tom. II, pag. 160.