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DONEAU.

jurisconsultes du XVIe. siècle, naquit à Châlons-sur-Saône [a], l’an 1527. Son régent, homme rude et grand fouetteur, l’avait tellement rebuté, qu’il n’y avait ni menaces, ni promesses qui pussent le faire retourner au collége (A). Mais enfin ayant eu peur qu’on ne le donnât pour valet à un porcher, il promit de bien étudier à l’avenir. Il apprit la jurisprudence à Toulouse, sous les professeurs Jean Corras et Arnoul du Ferrier [b], qui avaient jusqu’à quatre mille auditeurs. Il fut reçu à Bourges docteur en droit l’an 1551 ; et il professa cette science au même lieu avec Duaren, Hotman, et Cujas (B). Il la professa ensuite à Orléans. Il pensa périr dans le massacre de l’an 1572 [c], à cause qu’il était de la religion ; et il n’aurait pas échappé à la violence des massacreurs, si quelques-uns de ses disciples, Allemands de nation, ne l’eussent sauvé en l’habillant à l’allemande, comme s’il eût été de leurs domestiques. Il avait embrassé la réforme dès sa première jeunesse, à l’instigation de sa sœur. Il s’arrêta à Genève pendant quelque temps ; et puis il passa au Palatinat, où il enseigna le droit civil dans l’académie d’Heidelberg. On l’appela à Leyde, l’an 1575, pour le même emploi : il l’accepta et le remplit dignement. Mais parce qu’il fut assez imprudent pour s’engager plus qu’il ne fallait dans la faction de Leicester (C), il se vit contraint de sortir de la Hollande, l’an 1588. Il s’en retourna en Allemagne, et fut professeur en droit à Altorf, tout le reste de sa vie. Il mourut le 4 de mai 1591. Il avait la mémoire si heureuse qu’il savait par cœur tout le corps du droit [d]. Vous trouverez le titre de quelques-uns de ses ouvrages dans Moréri. Les autres sont de même nature. Il avait tâché toute sa vie d’obscurcir la réputation de Cujas en le critiquant [e]. M. de Thou a fait quelques fautes (D).

  1. Et non pas dans un Bourg près d’Autun, comme l’assure Moréri, trompé par ces paroles de Meursius, in Heduis natus, qu’il n’a pas entendues.
  2. Voyez la remarque (B).
  3. Remarquez que, selon M. de Thou, liv. LII, pag. 1082, 1083, il enseignait alors à Bourges.
  4. Tiré du Théâtre de Paul Fréhérus, pag. 924, où l’on cite, Vitæ Professorum Leydensium, et le Programme funèbre de Hugo Donellus.
  5. Voyez la remarque (D).

(A) Son régent..... l’avait tellement rebuté, qu’on ne pouvait le faire retourner au collége. ] On sera peut-être bien aise de voir les paroles latines de l’auteur qui m’apprend ce fait. Cùm puer ob præceptoris plagosi sævitiam à ludo litterario planè alienaretur, ut nullis minis aut blanditiis ad eum reduci posset, fortè accidit, ut pater ejus pertranseuntem istàc pastorem suarium cerneret, quo ad se vocato, coram filio, rogare institit, ecquid famulo opus haberet ? esse sibi domi filium, quem ei mancipare cuperet, aversum à litteris et immorigerum. Eâ voce puer adeò conterribus est, ut rem seriò agi existimans, et flens parentis genibus advolutus eum obtestaretur, ne se filium suum in eas sordes projiceret, velle se litteris deinceps operam studiosè dare [1].

(B) Il professa le droit à Bourges, avec Duaren, Hotman et Cujas. ] L’auteur que j’ai cité [2] lui donne encore un autre collègue, savoir Éguinard Baron ; mais comme je sais qu’Éguinard Baron mourut l’an 1550, je n’ai pas voulu dire qu’il fut professeur en droit en même temps que

  1. Freherus, in Theatro, pag. 924.
  2. Paul Fréher.