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FERNEL.

vrir que quand il publierait son livre. La nécessité où il se trouva réduit de suivre la cour l’empêcha de mettre la dernière main à cet ouvrage. Le plus grand de ses regrets en mourant fut de n’avoir pas pu l’achever. Hic dolor hominem præcipuè angebat, hæc cura sollicitabat, quòd therapeuticæ postremæ medicinæ parti in quâ multùm diùque versatus erat, quamque suis inventis plurimum locupletare poterat, extremum manum non addidisset[1]. Voilà ce qui fait qu’on trouve dans ses ouvrages une excellente pathologie, mais peu de thérapeutique. Voyez le Journal des Savans, au mois d’avril 1666.

(G) Il fut si affligé de la mort de sa femme,.... qu’il mourut le dix-huitième jour de sa maladie. ] Vu le narré de Plantius, on peut dire que diverses causes concoururent à faire mourir Fernel. Il avait la rate en mauvais état : le chagrin venant là-dessus empira cette mauvaise disposition, d’où naquit une fièvre continue. Il ne serait point mort si tôt, ni avec son mal de rate, sans le chagrin ; ni avec son chagrin, sans le mal de rate. Il est même vrai que son chagrin ne venait pas tout de la perte de sa femme : bien d’autres choses l’affligeaient avant cela très-violemment[2]. Mais quand on ne ferait aucune attention à ces circonstances, on ne laisserait pas de connaître que M. l’abbé Deslandes s’est étrangement trompé. Jean Fernel, dit-il[3], ayant été appelé à la cour par une princesse qui était désolée de sa stérilité, et ayant su la mort de sa femme, il tomba aux pieds de cette princesse, d’où on l’ôta pour le porter au tombeau, dans l’église de Saint-Jacques de la Boucherie. Cette princesse est sans doute Catherine de Médicis, qui avait cessé d’être stérile l’an 1543. Or Fernel et sa femme ne moururent qu’en 1558, et de plus, il n’est pas vrai que la mort de ce médecin ait été si subite. Il ne tomba malade que dix ou douze jours après avoir enterré sa femme, et il ne mourut qu’au dix-huitième jour de sa maladie.

(H) Je ferai une remarque sur le nombre de ses années. ] Il mourut la soixante et douzième année de sa vie, en 1557, peu de temps après la prise de Calais, si nous en croyons Plantius son historien. Cette ville fut conquise par Henri II, au mois de janvier 1557, selon la façon de compter de ce temps-là, c’est-à-dire, si l’on ne commence pas l’année au mois de janvier. Mais si on la commence comme nous la commençons, ce fut en 1558 que la ville de Calais fut prise. Plantius observe qu’elle était entre les mains des Anglais depuis cent ans. Il fallait dire depuis deux cent onze ans. L’épitaphe de Fernel marque sa mort au 26 d’avril. Si le jour est bien marqué dans l’épitaphe, il faut conclure que Plantius n’a pas bien marqué l’année ; car le 26 d’avril qui suivit la réduction de Calais appartient à l’an 1558, selon même la vieille façon de compter. Si M. de Thou marque bien le jour, au 27 mars[4], Plantius peut avoir bien marqué l’année. Mais ce n’est pas le principal. L’épitaphe donne à Fernel cinquante-deux ans de vie ; Plantius lui en donne soixante-douze. Il ne faut pas croire que les imprimeurs aient mis soixante-douze au lieu de cinquante-deux ; car on trouve dans cette même vie de Fernel, 1o., qu’il avait environ soixante ans lorsqu’il s’arrêta auprès du roi, comme premier médecin ; 2o. qu’il a pratiqué la médecine à Paris pendant trente ans ; 3o. qu’il avait fait plusieurs choses avant que de s’attacher à voir les malades. Soyons donc très-assurés que Plantius lui a donné soixante-douze ans : et cependant l’épitaphe dressée par le beau-fils de Fernel lui donne seulement cinquante-deux ans. Rapportons un passage de Guy Patin[5] : « Puisqu’on imprime chez vous le Fernel, je vous veux prier d’une chose, qui est d’y faire corriger une faute que ceux d’Utrecht ont faite à leur impression

  1. Idem, ibidem.
  2. Quùm causæ quædam externæ hæque graves admodùm acerbissimum mœrorem attulissent, superveniente uxoris obitu quo omnia exasperata sunt, humor in liene collectus tandem incalescens atque putrescens, inflammationem ejus visceris peperit, undè et febris accensa est continua. Plantius, in Vitâ Fernelii. Voyez Thevet, tom. VII, pag. 331.
  3. Dans une lettre insérée au Mercure Galant du mois de novembre 1693, pag. 197. Voyez tome V, pag. 85 la remarque (C) de l’article Charnacé.
  4. Thuan., Histor., lib. XXI, pag. 431.
  5. Patin, Lettre CXVII du Ier. tome.