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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/113

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MAHOMET II.

dressé des monumens (C), qui donnent plus de relief à ses victoires, que les annales ottomanes, et que tout ce que les Turcs ont su inventer pour éterniser la grandeur de ses actions. Il est donc bien étrange qu’il se trouve des écrivains distingués dans le christianisme, qui soutiennent que la prospérité est la marque de la bonne cause (D), et qu’il n’y a que les princes vertueux qui aient part aux faveurs de la fortune[a]. C’est inutilement qu’on viendrait nous alléguer que si les princes chrétiens n’eussent pas été désunis, ils eussent battu les mahométans (E). Il y a des gens qui ont écrit que ce sultan était athée (F). Cela pourrait être vrai ; et il est du moins certain qu’il faisait la guerre pour contenter son ambition, et non pas pour agrandir le mahométisme. Il préférait ses intérêts à ceux de la foi qu’il professait ; et de là vint qu’il eut de la tolérance pour l’église grecque, et même beaucoup de civilité pour le patriarche de Constantinople (G). Il n’y a nulle apparence qu’il ait fait le vœu qu’on lui attribue (H). On dit que pour faire voir à ses soldats que la volupté n’était point capable d’amollir sa vertu guerrière, il coupa la tête à une maîtresse qu’il aimait éperdument (I). Cela me semble un peu apocryphe. La plupart des historiens chrétiens, en parlant de lui, ont sacrifié la bonne foi à leur passion et à leur ressentiment (K). Il mourut le 3 de mai 1481, dans une bourgade de Bithynie, comme il entrait dans sa cinquante-deuxième année[b]. Il a été le premier des sultans qui se soit préparé un tombeau particulier[c]. Je pense qu’il fut aussi le premier sultan qui aima les arts et les sciences (L). Son épitaphe mérite d’être considérée (M). J’aurai quelques fautes à reprocher à M. Moréri (N) ; et je ne laisserai point passer au père Maimbourg la témérité qu’il a eue, d’imputer au schisme des Grecs les maux qu’ils souffrirent sous ce prince turc (O).

Landin, chevalier de Rhodes, ramassa diverses lettres que ce sultan avait écrites en syriaque, en grec et en turc, et les traduisit en latin. Cette traduction a vu le jour : j’en parlerai ci-dessous (P) ; mais on ne sait pas où peuvent être les originaux[d]. Je parlerai aussi d’une lettre que le pape Pie II écrivit au même sultan. Elle a donné de l’occupation aux controversistes (Q). Elle peut non-seulement résister à un examen superficiel, mais éblouir aussi ceux qui la lisent sans un esprit critique, et leur faire paraître ce pape sous une idée avantageuse et digne d’éloge. Ceux même qui l’examineraient sévèrement, et qui ne considéreraient Pie II que sous la notion d’un prince souverain d’une partie de l’Italie, pourraient juger que sa lettre est dans l’ordre de la prudence ;

  1. Voyez ce que Bozius a écrit contre Machiavel.
  2. Guillet. Histoire de Mahomet II, livre VII, pag. 378, 379.
  3. Là même, pag. 381.
  4. Voyez Huet. de Interpret., pag. m. 183.