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MARCIONITES.

gne[1]. Du Chêne vous apprendra que cet État de la maison du duc Charles fut composé l’an 1474, et qu’il fut imprimé à Bruxelles l’an 1616, in-4°., et que les Mémoires du même auteur furent imprimés à Lyon, in-folio, l’an 1612, et à Bruxelles, in-4°., l’an 1616[2].

  1. Au chapitre CIX du Xe. livre.
  2. Du Chêne, Bibliothéque des Historiens de France, pag. m. 199.

MARCIONITES. C’est ainsi qu’on nomme les disciples de l’hérésiarque Marcion, qui vivait au deuxième siècle (A). Il était né à Sinope, ville de Paphlagonie sur le Pont-Euxin, et il avait pour père un bon et pieux évêque. Il s’attacha d’abord à la vie monastique, mais il observa très-mal les lois de la continence ; car il débaucha une fille. Son père exerça sur lui toute la sévérité de la discipline : il l’excommunia, et ne se laissa jamais fléchir à ses prières, ni à ses offres de pénitence. Alors Marcion, exposé aux railleries et au mépris de toute la ville, en sortit secrètement, et se retira à Rome. Il ne put jamais y être reçu à la communion[a], quoiqu’il se fût servi des artifices d’une femme, qui avait pris les devans pour lui préparer les voies[b]. Ce refus l’obligea à s’ériger par dépit en chef de parti (B). Il devint disciple de Cerdon[c] ; et, afin de mieux soutenir le dogme des deux principes qu’il avait appris de cet hérétique, il s’appliqua à l’étude de la philosophie (C). Il eut un grand nombre de sectateurs, qui non-seulement se maintinrent après sa mort, mais qui aussi se répandirent de toutes parts, et formèrent des églises à l’envi des orthodoxes partout où ils purent (D). Il fallut armer contre eux le bras séculier, lorsque l’empire fut dévolu aux chrétiens ; et il se passa quelques siècles avant que ce bon remède vînt à bout de cette secte. Elle se glorifiait de ses prétendus martyrs. Ce fait a donné lieu à une dispute (E), dont il ne sera pas inutile de rapporter le détail. Au reste, si l’on en veut juger charitablement, Marcion mourut dans de bonnes dispositions[d], il ne fut pas aussi opiniâtre dans son hérésie que le furent ses disciples[e]. Nous pouvons dire de son système la même chose que de celui des manichéens. Il n’en sut pas faire jouer la principale machine (F) : il s’embarrassa dans un détail d’explications mal imaginées ; et de là vint que les pères confondaient facilement les marcionites. Il semble que ceux-ci aient été atterrés par la première réponse qui leur était faite ; et l’on dirait qu’à la vue des priviléges inviolables de la liberté humaine qui leur étaient d’abord allégués, ils se trouvaient tout interdits et muets comme des poissons. Il était néanmoins facile de répliquer à cela (G). Je ferai peu d’observations contre Moréri (H).

  1. Tiré d’Épiphane advers. Hæreses, pag. m. 302, 303.
  2. Romam præmisit mulierem, quæ decipiendos sibi animos præpararet Hieronym., tom. II, Epist. ad Ctesiphont., pag. 253.
  3. Epiph. adv. Hæres., pag. 303.
  4. Voyez la remarque (B), citation (14).
  5. Voyez les paroles que je cite de Baronius, ci-dessous citation (36).

(A) Marcion vivait au deuxième siècle. ] Voilà ce qu’on en peut dire de certain, car pour l’année où il vint à Rome, et pour le temps où il commença de s’ériger en faux doc-