Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
MARIANA.

ristes ; l’autre n’en a jamais eu que je sache. La raison de cela est sensible : Henri III était excommunié quand il fut tué ; mais Henri IV était réconcilié depuis long-temps avec le pape.

Remarquons par occasion que M. de Seckendorf pourrait être critiqué. Il prétend que la doctrine de Mariana consiste en ceci, c’est qu’un simple particulier animé, ou par son zèle, ou par les ordres du pape, peut attenter à la vie des rois hérétiques. Dudùm quoque malè audiit, dit-il [1], jesuitarum societas propter doctrinam Joh. Marianæ, itidem jesuitæ Hispani, aliorumque, qui statuerunt, licitum, immò laudabile esse, si quis, privatus licet aut subditus, regem aut principem hereticum, mandatu pontificis, vel etiam ex zelo religionis quovis modo è medio tollat. Mais il est sûr que Mariana se tient à la thèse générale, et qu’il ne dit rien en particulier, ni des princes hérétiques, ni des permissions ou des dispenses de la cour de Rome ; ses maximes regardent toutes les nations et tous les tyrans : il n’exclut point de ses règles les protestans qui se trouveraient sous un règne tyrannique ; il n’en exclut point les mahométans ni les païens : il traite cette question tout comme aurait fait Aristote : et je ne vois point ce que Milton et ses semblables, qui sont en si grand nombre, pourraient trouver à redire dans les hypothèses de cet Espagnol, à moins qu’ils ne condamnassent le préambule dont il s’est servi en faveur de Jacques Clément ; mais ce préambule n’est pas son dogme précis, il désigne seulement par le moyen des conséquences, l’application que l’auteur veut faire de ses maximes [2].

(I) .... Il fut imprimé avec de bonnes approbations. ] Pierre de Onna, provincial des religieux de la rédemption des captifs, l’ayant lu et examiné par ordre du roi d’Espagne, le loua et le jugea digne d’être imprimé. l’auteur obtint un privilége de sa majesté catholique pour dix ans. Etienne Hojéda, jésuite visiteur de la province de Tolède, et autorisé par le général de la compagnie, permit l’impression de l’ouvrage, après avoir su le bon témoignage qu’en rendirent quelques jésuites doctes et graves. L’auteur de l’Anti-Coton fit valoir cela, afin d’imputer à tout le corps la doctrine de cet auteur. Et afin qu’on sache, dit-il[3], que ce n’est point l’opinion de peu de jésuites, au front du livre de Mariana, il y a une approbation et permission d’imprimer du général de l’ordre, Aquaviva, et de Stephanus Hojéda, visitateur de la société de Jésus en la province de Tolède. Qui plus est, en la même permission d’imprimer, il y a[* 1] qu’avant ladite permission concédée, ces livres de Mariana ont été approuvés par des hommes doctes et graves de l’ordre des jésuites. Dont s’ensuit que quand même le général Aquaviva aurait été surpris, (comme le père Coton nous veut faire accroire, forgeant des lettres de cet Aquaviva à sa poste) si est-ce que le visitateur et les docteurs jésuites, qui ont examiné le livre avant l’impression, ne peuvent avoir été surpris. Rapportons la réponse du père Coton : on trouve une chose assez surprenante. « Le calomniateur révoque en doute la réponse du révérend père général Claude Aquaviva ; mais la teneur d’icelle, insérée en note[* 2], fera voir que l’on n’impose pas comme lui. Et quant aux docteurs dont il fait tant de bruit, lesquels ont approuvé Mariana, ils ne sont que trois, nombre qui est beaucoup plus petit que celui des trente ou quarante qui ont approuvé les treize où quatorze livres de ceux de notre compagnie qui ont enseigné et soutenu le contraire de Mariana,

  1. (*) Quippè approbatos priùs à viris doctis et gravibus ex eodem nostro ordine.
  2. (*) Ad ea quæ congregatio provinciæ Franciæ proponenda censuit : respondeo, probamus judicium ac studium congregationis : et sanè doluimus vehementer, ubi aliqua hujùsmodi post librorum tantùm editionem observari cognovimus, et statim emendari jussimus, et in posterùm ut caveantur seriò monuimus, ac monituri porrò sumus.
  1. Seckendorf, Hist. lutheran., lib. III, p. 332, num. 68.
  2. Voyez ce qui a été dit ci-dessus, remarque (G), et notez que Jacques Gretser a fait voir qu’il y a des livres plus pernicieux que celui de Mariana. Voyez aussi le livre qui a pour titre : Recueil des pièces concernant la doctrine et pratique romaine sur la déposition des rois et subversion de leurs vies et états qui s’en ensuit, imprimé à Genève, 1627, pag. 251 et suiv.
  3. Anti-Coton, pag. m. 11, 12.