Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
MARILLAC.

Le contrat de ce mariage est du 20 de décembre 1607. Ils n’eurent point d’enfans [1].

(C) Le marquis d’Ancre, devenu maréchal de France,.... lui fit espérer une belle récompense. ] M. du Châtelet paraphrase cela malignement. Le nouveau maréchal de France, dit-il [2], prit le commandement des armées sans y aller : et pour faire croire qu’il était maître en un métier qu’il n’avait jamais appris, se fit instruire en secret par Marillac, de l’ordre et de la police de la guerre. Après un mois de conférence, ils demeurèrent tous deux si contens l’un de l’autre, et si fort satisfaits de leur courage et de leur capacité, qu’ils furent bientôt persuadés de pouvoir tout entreprendre sûrement. Ce maître d’école militaire, qui ne prétendait que se faire riche, et qui savait les moyens de profiter dans la dépense de la guerre, demanda pour première faveur à son disciple d’être commissaire général, avec un pouvoir qui lui rendait tributaires ceux qui commandaient, ou qui payaient les troupes, en leur ôtant tous les moyens de butiner sans lui. Cette belle charge, qu’il voulait rendre de si bon revenu, lui était assurée, si la mort du maréchal d’Ancre n’eût arrêté ce dessein, avec beaucoup d’autres.

(D) Il se rétablit auprès de la reine-mère, et fut fait maréchal de camp au Pont-de-Cé. ] La paraphrase qui suit n’est pas moins maligne que la précédente : « Le destin de la disgrâce, qui fait admettre et employer toutes sortes de gens, les larmes de sa femme, les avis et petits services que le parti recevait de l’autre Marillac, son frère, aide par le ministère de quelque religieuse correspondance, firent oublier toutes les choses passées. Il avait le ton et la morgue d’homme de commandement : il savait parler de retranchemens, demi-lunes, et redoutes, et se trouva là parmi tant de jeunes gens, qui les eussent mieux défendues que tracées, que faute d’autre et d’être bien connu, il fut fait maréchal de camp au Pont-de-Cé. L’expérience découvrit bientôt par l’entreprise, l’exécution et la garde des travaux, toutes également mauvaises, qu’il était beaucoup moins soldat et capitaine sur le terrain que sur le papier... La mauvaise opinion que les gens de guerre avaient eue de sa valeur en sa jeunesse, ne devint pas meilleure après la perte du combat au pont-de-Cé, qu’ils attribuèrent à son étonnement, et à son peu d’expérience [3]. » Voyez la note [4].

(E) Avec un ordre de pourvoir. aux vivres. ] « Il l’exécuta si mal, que l’appui qu’il avait de la reine-mère, et le crédit de son frère qui devenait plus puissant de jour en jour, n’empêchèrent pas qu’il ne fût accusé dès lors auprès du roi, de malversations et de larcins. Il eut recours par lettres en cette première attaque, au cardinal ; et depuis on a fait voir dans son procès, la réponse du 7 avril 1625, pleine de marques de son amitié. Elle contenait une assurance d’avoir levé de l’esprit du roi cette mauvaise impression, et lui donnait avis de se conduire si bien à l’avenir, que ces aides-là ne lui fussent plus nécessaires [5]. »

(F) Ce fut aussi le commencement de ses voleries. ] Commencement qui eut des suites continuelles, si l’on en croit notre auteur : Et se trouvera, dit-il [6], quelque publication de son innocence que l’on ait voulu faire, que désormais jusques à sa prison ; il n’a disposé, ordonné, ni traité d’aucune affaire d’argent pour sa majesté, qu’il n’y ait pratiqué tous les moyens possibles d’y profiter. Le détail qu’il donne sur cela est effroyable : on y voit des malversations si outrées et si sordides, que M. du Châtelet s’est cru obligé de satisfaire à une objection qui se présentait naturellement,

  1. Le père Anselme, Histoire des grands Officiers, pag. 252.
  2. Du Châtelet, Observations sur la vie et la condamnation de Marillac, pag. 771.
  3. Là même, pag. 772.
  4. Notez que le Pont-de-Cé, place sur la Loire, fut attaqué et pris par le roi, le 8 d’août 1620, sur les troupes de la reine mère, qui s’était déclarée pour les mécontens. [D’Avrigny. cité par Joly, prétend que la prise du Pont-de-Cé est du 7 août.]
  5. Du Châtelet, Observations sur la vie et la condamnation de Marillac, pag. 773.
  6. Là même.