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MÉLANCHTHON.

paræneticæ philosophiæ scriptores ne postremo quidem locodignemur. Quid ad me quid senserit ille rixator ? inquit in iisdem Locis [* 1] Philippus. Quamquàm posteà Vertumnus iste stylum vertit, et maledicta in benedicta convertit [1]. Voyez la note [2].

(L) On aurait... raison de prétendre qu’il ne croyait pas la réalité. ] On a ouï dire à Peucer [3], 1° que Mélanchthon, son beau-père, ayant lu le dialogue d’Œcolampade de Cœnâ Domini, abandonna le sentiment de la manducation orale ; et qu’ensuite il triompha par l’argument de l’autorité des pères. Patribus doctrina Synusiastarum fuit ignota : Augustinus crassissimus fuit Zwinglianus, ergò, etc. ; 2°. qu’il ne croyait pas qu’on pût mourir avec plus de gloire que pour la doctrine de l’Eucharistie, et qu’il se plaignait de n’avoir pas plus de courage dans la profession ouverte de son sentiment. Ah utinàm possem esse fortior in confessione istius causæ, et alibi essem. Sed his moribus, his temporibus inter hos homines fieri id non potest, et habeo graves rationes mei consilii. Interim dico sententiam meam ubi video opus esse ; 3°. qu’en 1544, il s’expliqua librement à un Hongrois qui lui demandait sa pensée sur l’Eucharistie, et que la chose ayant été rapportée à Luther, et à Poméranus, celui-ci adressa un jour au peuple cette apostrophe dans un sermon : Mes très-chers frères, l’église court un grand péril, priez le Dieu tout-puissant pour quelques grands personnages qui sont tombés dans l’erreur ; 4°. que Mélanchthon, ayant compris que cela le regardait, ne put tenir sa colère, et sortit du temple à la vue de toute la compagnie ; qu’il rapporta à Cruciger cette affaire : et qu’ils conclurent de se retirer de Wittemberg ; ce qu’ils auraient exécuté, si Luther n’eût été caution corps pour corps que la cour de Saxe ne leur ferait aucun mal à ce sujet ; 5°. que Mélanchthon avait vécu sous une dure servitude à Wittemberg, et qu’il courut risque trois fois d’être mis dans une prison [4] ; 6°. qu’il désapprouvait le concordat de l’année 1536, et la timidité que Bucer y avait eue d’accorder trop à Luther. Nec tacebat de concordiâ Wittembergicâ inter Lutherum et Bucerum anno 1536 initâ. Melanchthonem aiebat Bucerum sæpè hortatum fuisse ne tantùm Luthero largiretur, sed Bucerum fuisse timidum, circumseptum ab inimicis. Reliquos etiam superioris Germaniæ Theologos nimis fracto et demisso animo fuisse. Voilà les discours que Peucer tint à Scultet, qui était allé le voir à Dessau, l’an 1589.

Mais, si l’on veut être assuré de la bonne foi de ce rapporteur, on n’a qu’à lire les ouvrages mêmes de Peucer [5], et nommément celui qui fut imprimé l’an 1596, par les soins de Quirin Reutérus, et qui a pour titre, Tractatus historicus de clarissimi Viri Philippi Melanchthonis Sententiâ de Controversiâ Cœnæ Domini, à D. Casparo Peucero antè plures annos scriptus, sed jam primùm separatim boni publici ergò excusus : Cum Appendice selectarum Epistolarum et Judiciorum aliquot Philippi, aliorumque præstantium Virorum de eâdem materiâ. Hospinien [6] vous prouvera amplement que Mélanchthon se désabusa du luthéranisme à l’égard de la présence réelle, quoique la crainte de l’oppression ne lui permît pas de parler ouvertement. Il a recueilli bien des preuves de cette crainte [7]. L’illustre Mélanchthon, menacé du bannissement, témoignait enfin le souhaiter comme une espèce de délivrance [8]. « Il ne savait point d’autre remède à ses maux, que celui de la fuite ; et son gen-

  1. (*) Tit. de lege.
  1. Jacob. Gretser., Inaugur. Doctor., p. 45.
  2. On peut confirmer ceci par ces paroles d’Érasme, Epist. ad Fratres Germaniæ inferioris, pag. m. 2127. Nonne Melanchthon aliquandò damnavit scholas publicas ? Nunc hic dicit, maneant scholæ quæ bonæ sunt, vitia corrigantur.
  3. Abrah. Scultetus, Narrat. apologet., p. 20 et sequentibus.
  4. A Johanne Friderico electore ter illi decretum fuisse carcerem. Abrah. Scultetus, Narratione apologelicâ, pag. 20.
  5. Comme l’Historia Carcerum, et la préface du Traité de præcipuis Divinationum generibus.
  6. Voyez son IIe. volume Historiæ Sacramentariæ, pag. 234 et passim alibi. Consultez aussi M. de Meaux, Histoire des Variations, liv. VIII, num. 39.
  7. Voyez nommément la page 428 et suiv. Hist. Sacrament., tom. II.
  8. Hospin, ibidem, pag. 430.