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MÉTELLUS.

s’appelait l’auteur qui déguisa le nom de Métella sous celui de Pérille. Eadem opera accusent, dit-il, page 279 de son Apologie, C. Catullum quòd Lesbiam pro Clodiâ nominavit, et Ticidam similiter quòd quæ Metella erat, Perillam scripserit.

MÉTELLUS CELER (Quintus), consul, l’an de Rome 693, avait exercé la préture année du consulat de Cicéron [a], et rendu de bons services à la république en s’opposant aux troupes de Catilina, qui voulaient passer dans la Gaule Cisalpine [b]. Après sa préture, il obtint le gouvernement de cette province. C’était un homme de mérite, mais qui fut très-malheureux à se choisir une femme ; car il épousa une sœur de Clodius (A), laquelle le déshonora par ses impudicités, et puis l’empoisonna. Elle était sa cousine germaine [c]. C’est elle qui, sous le nom de Lesbia, a été tant diffamée par Catulle [d]. Cicéron perdit un très-bon ami par la mort de ce Métellus, l’an 694 (B). Je remarquerai une méprise de Turnébe (C). Notre Métellus était du collége des Augures [e].

  1. En 690.
  2. Sallust. in Bell. Catil. pag. m. 81, 176.
  3. Cicero pro Cœlio, pag. 518, edit. Abrami.
  4. Voyez la remarque (A), citation (3).
  5. Cicer. in Vatinium, pag. 306, edit. Abrami.

(A) Il épousa une sœur de Clodius. ] C’est la Clodia que Cicéron a si bien décrite dans son plaidoyer pour Célius, jeune provincial, et beau garçon, qui se voyait accusé de plusieurs crimes, et entre autres d’avoir voulu donner du poison à Clodia, afin de n’être pas obligé à rendre les sommes d’argent qu’il lui avait empruntées. Cicéron fut son avocat, et plaida pour lui avec tant de force, qu’il le fit absoudre. Clodia n’avait entrepris cette affaire que pour se venger d’un affront sensible : c’est que Célius, après s’être diverti avec elle tant et si long-temps qu’il avait voulu, s’en était enfin dégoûté, et l’avait quittée pour porter ailleurs ses offrandes. Plutarque [1] raconte qu’on la surnommait Quadrantaria, à cause qu’un jour l’un de ceux qui avaient couché avec elle ne la paya qu’en fort mauvaise monnaie. Il mit dans sa bourse, non pas des pièces d’argent, mais de petites pièces de cuivre [2], telles que les doubles de France à peu près. Apulée [3] nous apprend qu’elle est la maîtresse que Catulle a tant chantée sous le nom de Lesbia : elle méritait donc pour plusieurs raisons le titre dont parle Plutarque ; car la Lesbia de Catulle fut enfin une coureuse de carrefour, et qui attendait sa proie au coin des rues. Elle était au premier occupant, et prenait sans doute ce qu’on lui voulait donner. C’était du vin à un sou le pot ; elle faisait de sa marchandise pour un liard, Scortum diobolare, aut triobolare. Ne méritait-elle donc pas le surnom quadrantaria ? Voyez en note les vers de Catulle, adressés apparemment au client de Cicéron [4]. Elle avait acheté un jardin au bord du Tibre, afin de se procurer la commodité de voir les nageurs, et de mieux choisir la bête qu’elle voulait faire donner dans ses toiles. Habes hortos ad Tiberim : ac diligenter eo loco parâsti quò omnis juventus natandi caussâ venit, hinc licet conditiones quotidiè legas [5]. De toutes les sœurs de Clodius, celle-ci était la plus soupçonnée d’inceste avec lui [6]. Étant encore fort jeune, il faisait le peureux, afin qu’on le lais-

  1. Plutarch., in Ciceron, Vitâ, pag. 875.
  2. Qu’on nommait à Rome quadrantes.
  3. In Apologiâ, pag. m. 279. J’ai cité ses paroles dans la remarque (D) de l’article précédent.
  4. Cœli, Lesbia nostra, Lesbia illa,
    Illa Lesbia quam Catullus unam
    Plusquam se atque suos amavit omnes ;
    Nunc in quadriviis et angiportis
    Glubit magnanimos Remi Nepotes.
    Catull., epigr. LIX.

  5. Cicero, pro Cœlio, pag. 445, edit. Abrami. Conférez avec ceci ce qu’on a dit dans l’article de Louis VII, tom. IX, pag. 391, citat. (5).
  6. Plutarch., in Ciceron. Vitâ, pag. 875.