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MACRIN.

de bronze autour du cœur que celui qui hasarda le premier sa vie sur un vaisseau[1]. Il n’y a point d’apparence qu’il s’élève jamais, dans le sein des protestans, aucun parti qui entreprenne de réformer leur religion de la manière qu’ils ont réformé l’église romaine, c’est-à-dire sur le pied d’une religion d’où il faut sortir nécessairement, si l’on n’aime mieux être damné : ainsi, les désordres qu’ils auraient à craindre d’un parti innovateur, seraient moins terribles que ceux du siècle passé, les animosités pourraient être moins échauffées qu’en ce temps-là, vu principalement qu’aucun des partis ne trouverait à détruire dans l’autre aucun objet sensuel de superstition ; point de divinités topiques, ni de saints tutélaires à briser ou à monnayer ; point de reliques à jeter au vent ; point de ciboires, point d’autels à renverser[2]. On pourrait donc être en dissension de protestant à protestant, sans avoir à craindre toutes les fureurs qui parurent dans les démêlés du protestant et du catholique ; mais le mal serait toujours assez funeste pour mériter qu’on tâchât de le prévenir, en appliquant ceux qui aiment trop les disputes à la considération des maux horribles qu’elles ont causés, et en leur représentant, avec quelque force, que la plus funeste intolérance n’est pas celle des souverains qui usent du droit du glaive contre les sectes ; c’est celle des docteurs particuliers, qui, hors les cas d’une très-urgente nécessité, s’élèvent contre des erreurs protégées par la prévention des peuples et par l’usage, et qui s’obstinent à les combattre, lors même qu’ils voient que tout est déja en feu.

(D) Les sauteries de Mâcon ont été mieux immortalisées que celles de l’île de Caprée. ] Et néanmoins un célèbre historien les a insérées dans son ouvrage, et en quelque façon l’on montrait le lieu comme l’une des singularités de l’île. Carnificinæ ejus (Tiberii) ostenditur locus Capreis, undè damnatos post longa et exquisita tormenta præcipitari coràm se in mare jubebat, excipiente classiariorum manu et contis atque remis elidente cadavera, ne cui residui spiritûs quidquam inesset[3]. Mais enfin je ne crois pas que les anciens puissent être comparées aux modernes, en fait de transporter les mêmes choses de livre en livre, et par conséquent les sauteries de Mâcon se lisent en plus de lieux, et ont plus de monumens pour gages de leur immortalité, que celles de l’empereur Tibère. Il n’était pas honorable à ceux qui se servirent de ce supplice dans le XVIe. siècle d’avoir marché sur les traces d’un tel tyran. On se souviendra peut-être, en lisant ceci, des remarques de l’article de Leucade.

  1. Illi robur et æs triplex
    Circà pectus erat qui fragilem truci
    Commisit pelago ratem
    Primus, nec timuit præcipitem Africum
    Decertantem Aquilonibus,
    Nec tristeis Hyadas, nec rabiem Noti.
    .........................
    Quem mortis timuit gradum,
    Qui siccis oculis monstra natantia,
    Qui vidit mare turgidum et
    Infameis scopulos Acroceraunia ?
    Horat., od. III, lib. I, vs. 9.

  2. Il y a de l’apparence que les Français et les Espagnols auraient beaucoup moins répandu de sang protestant qu’ils ne firent, si on ne les avait mis en fureur par le renversement de leurs autels, de leurs images, reliques, etc.
  3. Sueton., in Tiberio, cap. LXII.

MACRIN (Salmon), l’un des meilleurs poëtes latins du XVIe. siècle, était de Loudun. Ce que M. de Thou a dit de lui, et les additions de M. Teissier, sont entre les mains de tout le monde depuis l’édition d’Utrecht. J’y renvoie donc mon lecteur[* 1], et je me contenterai de dire une chose fort singulière, mais un peu douteuse, que M. Varillas avait apprise de M. Bouillaud (A). On dit que Macrin n’était pas le nom de famille de notre poëte (B).

  1. * Leclerc a fait quelques observations sur l’article que Teissier a consacré à Macrin, elles sont bonnes à lire avec Teissier. Le père Niceron a consacré un article à Macrin dans le tome XXXI de ses Mémoires. Dreux du Radier qui trouve exact le catalogue des ouvrages de Macrin, donné par Niceron, a parlé aussi de cet auteur dans la Bibliothéque du Poitou, II. 148-164.

(A) Je dirai une chose fort singulière. mais un peu douteuse, que