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MOLSA.

êtes-vous ? Magdelon. Oui, je sens quelque chose. Mascar. C’est un coup de mousquet que je reçus la dernière campagne que j’ai faite. Vodelet. Voici un coup qui me perça de part en part à l’attaque de Gravelines. Mascar. (mettant la main sur le bouton de son haut de chausse) Je vais vous montrer une furieuse plaie. Magdel. Il n’est pas nécessaire, nous le croyons sans y regarder. Mascar. Ce sont des marques honorables, qui font voir ce qu’on est. Cathos. Nous ne doutons point de ce que vous êtes.

Boccalin n’a pas dit sans quelque mystère que le Molsa était mort d’avoir mangé trop de figues [1] ; car il faut savoir que ce poëte avait fait des vers sur ce fruit-là, par allusion à des parties qu’on ne nomme pas. Ces vers sont pour le moins aussi sales que ceux de Jean de la Casa, qui font tant crier les protestans ; mais comme le Molsa n’avait point été inquisiteur, ni dans les charges ecclésiastiques, ses impuretés n’ont pas été objectées à la communion romaine. Il est sûr, que si les emplois que le mérite de monseigneur de la Casa lui procura, ne l’eussent obligé, en qualité de nonce, à rechercher les personnes qui de son temps prévariquaient dans la religion, on n’aurait non plus songé à son Capitolo qu’à ceux du Bernin, du Mauro, du Molsa, qui ne sont pas moins licencieux, et que le seul bonheur d’avoir été faits par des auteurs sans conséquence a sauvés de la censure des protestans. Voilà ce que M. de la Monnoie écrivit à M. l’abbé Nicaise, et qui fut communiqué à M. Ménage [2]. Notez que le livre où Voétius rencontra le Capitolo del Forno, c’est-à-dire les vers de Jean de la Casa qui l’ont fait passer pour panégyriste de la sodomie, est un recueil de pièces sales composées par divers poëtes, et nommément par notre Molsa. Cela paraît par ce titre : Il primo libro dell Opere burlesche di M. Francesco Berni, di M. Gio. della Casa, del Varchi, del Mauro, di M. Bino, del Molza, del Dolce, e del Firenzuola [3]. Ce livre fut imprimé à Florence, chez Bernard Junta, l’an 1548. M. Voët déposa son exemplaire dans la bibliothéque d’Utrecht, comme dans un lieu de sûreté [4] ; mais ses précautions furent inutiles : cet ouvrage est disparu, et l’on ne doute point que les Français ne l’aient tiré de cette bibliothéque, pendant qu’ils furent les maîtres d’Utrecht. l’an 1672 et l’an 1673 [5]. Cela soit dit en passant. J’ai besoin encore d’un passage de M. Ménage. Les Capitoli in terza rima, dit-il [6], sur des choses honnêtes, mais qui avaient relation à des choses déshonnêtes, étaient en ce temps-là fort à la mode : ce qui paraît par le Capitolo della Fava du Mauro, et par celui delle Fiche du Molsa, si célèbre par le Commentaire de Ser Agresto, c’est-à-dire d’Annibal Caro. Voyons le jugement de Boccalin sur le Capitolo della Fava, et sur celui delle Fiche. Il introduit la célèbre Laura Terracina, qui ayant été agrégée au sacré collége des poëtes, et voulant choisir pour mari ou le Molsa, ou le Mauro, examina les Figues de celui-là, et la Fève de celui-ci, et se détermina pour la Fève ; l’avant trouvée d’un plus haut goût, et plus succulente que les Figues. Volle prima, che amendue le mostrassero le poesie loro, le quali dapoi, che con esatissima diligenza piu volte ella hebbe rilette, e ben considerate tralasciate le Fiche del Molza, come contate con stile enervato, e molto languido, si attacò alla Fava del Mauro, nella quale le parve di trovar maggior succo di concetti, e che quell’ argomento fosse disteso con piu sodezza di verso [7]. Je crois que Boccalin n’a pas dessein de nous donner là une bonne idée de la chasteté de cette Laura.

(E) Ce commentaire fut imprimé, in-4°., l’an 1539. ] Il fut réimprimé, in-8°., l’an 1584, pour servir d’escorte aux Raggionamenti de l’Arétin, et par là vous pouvez juger de la qualité de l’ouvrage. Voici tout le titre : Commento di Ser Agresto da

  1. All’ hora che Mario Molza per lo soverchio uso de’ fichi passò all’ altra vita. Ragguagli XXXIII, Centur. I, pag. m. 90.
  2. Voyez l’Anti-Baillet, chap. CXX.
  3. Voyez les Disputes théologiques de Gisbert Voétius, tom. I, pag. 205.
  4. Exemplar illud intuli in Bibliothecam publicam, ut sub publicâ custodiâ perpetuum Sanctitatis Romanæ monimentum exstaret., et perfractè negantibus ostendi posset. Voët. ibid.
  5. Voyez Lomeyer, de Bibliothecis, cap. X, pag. 300.
  6. Anti-Baillet, cap. CXIX.
  7. Boccalin., Ragguagli, XXXV centur. II, pag. 130.