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MUSURUS.

C’est pour deux raisons qu’elles me paraissent considérables ; car elles me donnent lieu d’exhorter ceux qui ont à leur portée les bibliothéques nécessaires, de vérifier en 1er. lieu si l’épigramme pour Platon se rencontre parmi les autres que Musurus publia vers l’an 1500 ; en 2e. lieu, s’il a été correcteur d’imprimerie à Venise, chez Blastus, comme l’a cru Gesner. On se pourrait bien moquer de Paul Jove, et de plusieurs autres, si cette épigramme avait précédé la fameuse ligue de Cambrai contre la république de Venise.

J’avais espéré que l’exhortation, que l’on vient de lire, me procurerait tous les éclaircissemens dont j’avais besoin : cependant personne n’a eu la bonté de venir à mon secours ; mais j’ai trouvé quelque chose dans le livre de M. Chevillier. J’y ai vu que notre Musurus a été effectivement correcteur d’imprimerie [1], et que ce fut lui qui corrigea le grand Etymologicon qui fut imprimé à Venise, in-fol., l’année 1499, par Zacharie Calliergus aux dépens de Nicolas Blastus [2]. « J’y ai vu aussi qu’Alde Manuce, avec qui il travaillait à corriger les manuscrits grecs, et revoyait les feuilles des impressions, fit son éloge en ces termes sur le Platon grec de 1513 : Musurus Cretensis, magno vir judicio, magnâ doctrinâ, qui hos Platonis libros accuratè recognovit, cum antiquissimis conferens exemplaribus, ut unà mecum, quod semper facit, multum adjumenti afferret et Græcis et nostris hominibus. » J’étais encore dans l’ignorance à l’égard du poëme où Musurus a fait l’éloge de Platon, et j’en ai été tiré par le bon office de M. de Villemandi [3], qui a pris la peine de consulter l’exemplaire de la bibliothéque de Leyde. Il m’a écrit que le Platon imprimé à Venise, in ædibus Aldi et Andreæ Soceri, l’an 1513, contient après l’épître dédicatoire [4], un poëme grec de deux cents vers hexamètres et pentamètres, qui remplit quatre pages, et qui est de la façon de Musurus ; et un éloge de Platon. Nous pouvons conclure de là que Vossius n’a point dû le qualifier une épigramme ; mais il est pourtant certain que Paul Jove en a tiré une preuve ridicule, que l’auteur n’avait pas été un fainéant depuis sa sortie de Padoue. Philippe Manckérus fit imprimer à Amsterdam, en 1681, ce poëme de Musurus, cum versione latinâ et elegantissimâ Zenobii Acciaioli metaphrasi poëticâ. Cela fait 40 pag. in-4°.

(H) Le public lui est redevable de la première édition... d’Athénée. ] Nous avons dit en son lieu [5] que Casaubon trouvait fort défectueuse cette édition : néanmoins Alde Manuce, qui l’imprima, loue beaucoup les soins de Musurus. Voici ce qu’il dit : Musurus noster libros hos sic accuratè recensuit collatos et cum multis exemplaribus, et cum epitome, ut infinitis penè in locis eos emendaverit, carminaque quæ veluti prosa in aliis legebantur, in sua metra restituerit. Adde quòd primus et secundus liber, qui in aliis deerant, ex epitome additi sunt cum bond parte tertii libri : erat enim hic sinè capite, quo factum est, ut iidem ferè hi existimari possint, qui erant integri, quoniàm ea est materia, ut non multa subtrahi ex eis potuerint [6].

(I) Le jugement qu’Érasme faisait de lui. ] Voyez ce que j’ai déjà cité [7] d’une de ses lettres ; et ajoutez-y ce qui suit : M. Musurum propiùs novi, virum insigniter eruditum in omni disciplinarum genere ; in carmine subobscuram et affectatum : oratione prosa præter unam alteramve præfationem nihil, quod sciam, reliquit. Mirabar hominem græcum tantum scire latinè. Et hunc fortuna retraxit a Musis, dùm Leonis favore Romam accitus incipit archiepiscupus esse, fato præreptus est [8]. Ces paroles nous portent à croire que Musurus renonça à la profession des lettres, dès que Léon X lui eut fait la

  1. Voyez, tom. IX, pag. 82, citation (28) de l’article Lascaris (Jean).
  2. Chev., Orig. de l’Impr. de Paris. pag. 194.
  3. Dont il est parlé, tom. II. pag. 439, citation (4) de l’article Arriaga, et dans les Nouvelles de la République des Lettres, octob. 1685, art. V, et août 1686, art. VI.
  4. Adressée à Léon X.
  5. Tom. II, pag. 498, remarque (D) de l’article Athénée.
  6. Aldus, in præfat. Athenæi.
  7. Ci-dessus, remarque (A).
  8. Erasm., in Ciceroniano.