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PÉRIBÉE. PÉRICLÉS.

eâ non licet discedere. Quomodò enim quisquam tyrannus unquàm suffecerit ad pecuniam rependendam iis quos spoliavit ? Aut quomodò vincula repenset iis quos detrusit in vincula ? Aut quomodò restituet tot animas extinctas iis quos occidit ? Sed si cuiquam alteri, ô Simonides, expedit laqueo finire vitam, scito, inquit, me compertum habere, ut id faciat nulli is expedire quàm tyranno, quandòquidem huic uni mala nec retindre nec deponere expedit [1]. Denys le tyran disait qu’au lieu de retourner à cheval à la condition privée, il fallait s’y laisser traîner par les pieds. Tite Live rapporte cela ; mais il y joint une autre pensée qui énerve la première, ultima primis obstant, et qui détruit le lieu commun que je traite ici. On en va juger, car je rapporte tout le passage. Sed evocatum eum [2] ab legatis Demarata uxor, filia Hieronis, inflata adhuc regiis animis, ac muliebri spiritu, admonet sæpè usurpatæ Dionysii tyranni vocis : quâ pedibus tractum, non insidentem equo relinquere tyrannidem dixerit debere. Facilè esse momento quo quis velit, cedere possessione magnæ fortunæ : facere et parare eam, difficilè atque arduum esse. Paululùm sumeret spatii ad consultandum ab legatis : eo uteretur ad accersendos ex Leontinis milites, quibus si pecuniam regiam, pollicitus esset, omnia in potestate ejus futura. Hæc muliebria consilia Andronodorus neque tota aspernatus est, neque extemplò accepit [3]. Il n’est pas nécessaire de supposer que la seconde maxime est de Denys ; car selon toutes les apparences elle est de cette femme ambitieuse que Tite Live fait parler. Cicéron remarque que ce tyran n’eût pu renoncer à sa condition, et à sa mauvaise vie, sans se perdre [4].

  1. Xenophon, in Hierone, sive Tyrannico, pag. 533, edit. Henr. Stephani, 1581.
  2. C’est-à-dire Andronodore, que l’on exhortait dans Syracuse à se défaire du trop grand pouvoir dont il s’était emparé.
  3. T. Livius, lib. XXIV, cap. XXII.
  4. Atque ei ne integrum quidem erat ut ad justitiam remigraret civibusque libertatem et jura redderet. His enim se adolescens improvidâ ætate irreticerat erratis, eaque commiserat ut salvus esse non posset si sanus esse cœpisset. Cicero, Tuscul. V, cap. XXI.

PÉRIBÉE, en latin Peribæa, fille d’Alcathoüs, roi de Mégare, femme de Télamon, roi de Salamine, et mère d’Ajax. Voyez la remarque (C) de l’article Télamon, tom. XIV.

PÉRICLÈS, a été l’un des plus grands hommes qui aient paru dans l’ancienne Grèce. Ses ancêtres, tant du côté paternel que du maternel, étaient fort illustres. Il fut élevé avec tous les soins imaginables, et il eut entres autres maîtres Zénon d’Élée, et Anaxagoras, deux des plus illustres philosophes qui enseignassent dans Athènes. Il apprit du dernier entre autres choses à craindre les dieux sans superstition (A), et à donner une cause des éclipses, qui rendit une fois un très-bon office aux Athéniens (B). On fut assez injuste pour le soupçonner d’athéisme, sous prétexte qu’il avait appris à fond la doctrine de ce philosophe (C). Il se signala par un courage intrépide et par une force d’éloquence extraordinaire [a] qui s’était nourrie et armée dans la science de la nature ; et il s’accommoda de telle sorte au goût du peuple selon les temps, qu’il s’acquit une autorité presque aussi grande sous un gouvernement républicain, que s’il eût été monarque (D). Il est vrai qu’il ne fut pas à couvert des railleries satiriques de la comédie (E). Les poëtes le diffamèrent sur plusieurs choses, et nommément sur ses amours pour Aspasie. La débauche des femmes fut l’un des vices qu’on lui reprocha le plus [b]. Il supporta patiemment

  1. Voyez la rem. (D).
  2. Voyez la rem. (G).