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PÉRICLÈS.

il veut que cette leçon astronomique ait été faite au milieu d’Athènes. Cùm obscurato repentè sole inusitatis perfusæ tenebris Athenæ sollicitudine agerentur, interitum sibi cœlesti denuntiatione portendi credentes ; Pericles processit in medium, et quæ à præceptore suo Anaxagorâ pertinentia ad solis et lunæ cursum acceperat, disseruit : nec ulteriùs trepidare cives suos vano metu passus est [1]. Frontin parle de l’explication de la foudre, et non pas d’une explication d’éclipse. Périclès, dit-il [2], cùm in castra ejus fulmen decidisset, terruissetque milites, advocatâ concione, lapidibus in conspectu omnium collisis, ignem excussit, sedavitque turbationem, cùm docuisset similiter nubium attritu excuti fulmen.

Si tous les généraux des Athéniens avaient eu pour maître le philosophe Anaxagoras, le malheur qui arriva devant Syracuse à la flotte athénienne, ne serait pas arrivé. Elle était prête à faire voile pour se retirer ; mais la lune s’étant éclipsée, le général Nicias fit différer le départ, ce qui fut la cause de la ruine de la flotte. Laissons parler Plutarque. Cette éclipse « apporta une grande frayeur à Nicias et à ses semblables, qui par ignorance et superstition redoutoient telles apparences. Car quant à l’éclipse et obscurcissement du soleil, qui se fait toujours en la conjonction de la lune, le commun peuple presque de ce temps là en avoit desia connoissance, et entendoyent aucunement que cela se fait par le corps de la lune : mais l’eclipse de lune mesme, que c’est qu’elle rencontre qui l’obscurcit ainsi, et comment estant au plein, elle vient tout soudain à perdre sa clarté et se muer en toutes sortes de couleurs, cela n’estoit pas facile à comprendre, et le trouvoient fort estrange, tenant pour tout certain que c’estoit signe de quelques grands malheurs, dont les dieux menaçoient les hommes. Car Anaxagoras, le premier qui a escrit le plus certainement et le plus hardiment de l’illumination et de l’obscurcissement de la lune, n’estoit pas alors ancien, ni son invention encore divulguée, ains estoit tenue secrette connue de peu de gens, qui ne l’osoyent communiquer qu’avec crainte à ceux desquels ils se fioyent fort bien, à cause que le peuple ne pouvoit lors endurer les philosophes traitans des causes naturelles, que l’on appelloit alors meteorolesches, comme qui diroit, disputant des choses superieures qui se font au ciel ou en l’air, estant avis à la commune qu’ils attribuoyent ce qui appartenoit aux dieux seuls à certaines causes naturelles et irraisonnables, et à des puissances qui font leurs operations, non par providence ne discours de raison volontaire, ains par force et contrainte naturelle : à raison de quoi Protagoras en fut banni d’Athènes, Anaxagoras en fut mis en prison, dont Pericles eut bien affaire à le retirer [3]. » C’est une grande matière à réflexion que ce que l’on voit dans ces paroles de Plutarque.

(C) On fut assez injuste pour le soupçonner d’Athéïsme, sous prétexte qu’il avait appris.... la doctrine d’Anaxagoras. ] Je vous citerai sur cela un auteur de poids. ἤκουσε δὲ διδασκάλων, Ἀναξαγόρου μὲν ἐν ϕιλοσόϕοις, ὅθεν, ϕησὶν Ἄντυλλος, καὶ ἄθεος ἠρέμα ἐνομίσθη, τῆς ἐκεῖθεν, θεωρίας ἐμϕορηθείς. Doctores autem audivit in philosophiâ quidem, Anaxagoram : undè etiam, Antyllo teste, atheus paulatim haberi cœpit, quod illius philosophiæ disciplinam avidiùs hausisset [4]. Voyez ci-dessous dans la remarque (O), à la fin, un passage de Plutarque. En voici un autre de Diodore de Sicile. Διόπερ ἐκκλησίας συνελθούσης περὶ τούτων, οἱ μὲν ἐχθροὶ τοῦ Περικλέους ἔπεισαν τὸν δῆμον συλλαϐεῖν τὸν Φειδίαν, καὶ αὐτοῦ τοῦ Περικλέους κατηγόρουν ἱεροσυλίαν. πρὸς δὲ τούτοις Ἀναξαγόραν τὸν σοϕιςήν, διδάσκαλον ὄντα Περικλέους, ὡς ἀσεϐοῦντα εἰς τοὺς θεοῦς ἐσυκοϕάντουν. συνέπλεκον δ᾽ ἐν ταῖς κατηγορίαις καὶ διαϐολαῖς τὸν Περικλέα, διὰ τὸν ϕθόνον, σπεύδοντες διαϐαλεῖν τὴν τἀνδρὸς ὑπεροχήν τε καὶ δόξαν. Advocatâ igitur ob

  1. Valer. Maximus, lib. VIII, cap. XI, num. 1 extern.
  2. Frontin., Strata g., lib. I, cap. XII.
  3. Plut., in Niciâ, pag. 538 : je me sers de la version d’Amyot.
  4. Marcell., in Vitâ Thucyd.