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ZOROASTRE.

un mot : quant au principe du mal, ils le regardaient comme une chose créée. L’un des noms qu’ils donnaient à Dieu était Hormizda, et pour ce qui est du mauvais principe ils le nommaient Ahariman. Voilà l’origine des deux mots grecs Όρομάσδης et Άρειμάνιος : l’un était le nom du bon principe, l’autre celui du mauvais principe, comme on l’a vu ci-dessus[1] dans un passage de Plutarque. Les Perses ont prétendu qu’Abraham est le premier fondateur de leur religion[2]. Zoroastre y fit ensuite quelques changemens ; mais on veut qu’il ne l’ait point altérée quant au dogme du seul principe incréé : toute son innovation à cet égard fut de donner au bon principe le nom de lumière, et au mauvais principe le nom de ténèbres[3]. Voici un témoin[4] : Zerdusht affirmavit lucem et tenebras esse....... duo principia sibi invicem contraria : et sic esse Yezdân et Ahreman, qui fuerunt..... initium eorum quæ inveniuntur in mundo : ex eorum mistione (seu combinatione) extitisse compositiones : et ex variis compositionibus productas fuisse formas. Et quòd Deus qui creavit lucem et tenebras, utriusque autor unicus sit, sine socio, sine pari aut simili ; nec ei reserenda sit..... existentia tenebrarum, sicut dicunt Zervanitæ : sed bonum et malum, integritas et corruptio, et Puritas ac sparcities exiverunt ex mistione (seu commissione) lucis et tenebrarum : et nisi hæc duo commista fuissent, non extitisset mundus. Et hæc duo contra se invicem insurgebant et de victoriâ contendebant, donec lux vinceret tenebras, et bonum malum. Tum posteà salvum evasit bonum ad mundum suum : et malum divertebat ad mundum suum : et sic fuit causa liberationis. Cùmque Deus excelsus hæc duo temperaverat et miscuerat pro arbitrio suo, eaque in compositione viderat, tum instituit lucem ut originale quiddam, et indixit existentiam ejus ut existera. Sed tenebræ secutæ sunt sicut umbra personam. Nam cùm videret eas quodammodo existere, sed non realiter existere, tum planè produxit lucem, et acquisitæ sunt tenebræ per consequentiam : nam ex necessitate extitit contrarium, quippe cujus existentia fuit necessaria, sc. ut contingens in creatione, non autem ex primâ intentione secundum exemplum quod adduximus de personâ et umbrâ. Ces paroles marquent clairement que dans l’hypothèse de Zoroastre les deux principes l’un du bien, et l’autre du mal, Oromaze, Arimanius, ou la lumière et les ténèbres, n’étaient à proprement parler, que causes secondes, et ne méritaient pas en rigueur le nom de principe. C’était l’ouvrage d’une autre cause, et la production de Dieu. Il y a bien des absurdités dans l’explication particulière de la doctrine de ce mage ; car il disait d’un côté que Dieu seul avait produit les ténèbres, et de l’autre que leur existance ne devait point être rapportée à Dieu. Il disait que Dieu mêla la lumière avec les ténèbres, à cause que sans ce mélange le monde n’aurait pu être produit ; que le bien et le mal, la pureté et l’impureté, sortirent de ce mélange ; qu’il y eut un grand combat entre la lumière et les ténèbres, jusqu’à ce que celles-ci furent vaincues ; qu’après leur défaite elles se retirèrent dans leur monde, et la lumière dans le sien ; que Dieu, ayant mêlé ensemble ces deux contraires, établit une lumière originale, et la fit exister : que les ténèbres résultèrent de cela comme l’ombre suit le corps ; car Dieu, voyant que les ténèbres existaient en quelque façon, mais non pas réellement, donna une pleine existence à la lumière, et ainsi les ténèbres existèrent par une suite inévitable, et non pas selon l’intention directe et primitive du Créateur[5]. Nous ne saurions voir goutte dans ce chaos de pensées nous autres Occidentaux : il n’y a que des Levantins, accoutumés à un langage mystique et contradic-

  1. Dans la rem. (E), citat. (50).
  2. Idem, ibid., cap. XXI, pag. 275.
  3. Idem, ibid., cap. XXII, pag. 290.
  4. Shahristâni, apud Hyde, ubi suprà, pag. 299. On n’imprime point les mot arabes qui sont dans ce passage de M. Hyde, aux endroits où il a mis deux ou trois points. Ceci sera pratiqué de même dans les passages de M. Hyde, cités ci-dessous.
  5. Conférez ce que dessus, article Chrysippe, philosophe, tom. V, pag. 181 rem. (T) ; et art. Pauliciens, rem. (I), tom. XI, pag. 499, au troisième alinéa.