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ZABARELLA.

(A) Il publia des Commentaires sur Aristote, qui firent connaître, etc. ] Il publia quelques traités de logique l’an 1578. Il y traita amplement de la méthode ; et l’on crut, en Allemagne principalement, que sur ces matières il était le meilleur guide qu’il y eût à prendre [1]. Voici éloge que l’on donne au Commentaire qu’il publia l’an 1582. Anno 82, edidit illa adrmirabilia commentaria in post. Anal. Aristotelis, quibus omnibus Græcis, Arabibus, Latinis palmam in hoc divino Aristotelici ingenii opere illustrando præripuit [2]. François Piccolomini, son collègue et son émule, l’attaqua sur la doctrine de la méthode. Zabarella fit voir le jour à sa réplique l’an 1584. l’Impérialis observe que Zabarella, inférieur à François Piccolomini quant aux talens de la langue [3], le surpassait la plume à la main dans la force de raisonner : s’il fallait détruire les sentimens de ses adversaires, il apportait une foule d’argumens qui les accablaient : s’il fallait soutenir ses opinions, il s’y prenait d’une manière bien entendue, et il réussissait avec beaucoup de bonheur. Presque personne ne l’égale, soit à ruiner le parti contraire, soit à défendre le sien. Neminem facile quis dixerit æquare Zabarellæ scriptorum venustatem atque elegantiam quibus accedit incredibile argumentandi robur et opinionum firmitas, quo nomine vix alius in evertendis aliorum placitis uberior, in astruendis propriis felicior unquam est habitus [4]. Son ouvrage De Rebus naturalibus libri XXX, quibus Quæstiones quæ ab Aristotelis Interpretibus hodiè tractari solent, accuratè discutiuntur, fut imprimé l’an 1589. Il le dédia au pape Sixte V : l’épitre dédicatoire est datée de Padoue le 1er. d’octobre de cette année-là. Il en avait publié un petit échantillon l’an 1586, et l’avait dédié au neveu de ce pontife. Ces Commentaires sur les III livres d’Aristote, de Animâ, ne parurent qu’après sa mort. François Zabarella, son fils, les publia l’an 1604.

(B) Le titre de comte palatin. ] Un Jacques Zabarella l’avait obtenu de l’empereur Maximilien : son fils Jules fut maintenu dans cette prérogative par l’empereur Ferdinand 1er., qui ordonna même qu’elle passât aux aînés de la famille. C’est pourquoi Jules Zabarella son fils porta ce titre, et le fit porter à notre Jacques, son fils aîné [5].

(C) Six fils et trois filles. ] L’aîné s’appelait Jules, et fut un bon mathématicien. Vous trouverez dans Moréri qu’il s’abandonna à la débauche des femmes avec tant d’excès, qu’il en contracta une grande faiblesse de nerfs, qui l’obligea de garder le lit cinq ans avant sa mort [6]. M. Moréri le fait auteur de plusieurs ouvrages, et il donne le titre des plus considérables : mais il se trompe ; car tous ces ouvrages sont de Jacques Zabarella, et non pas de Jules son fils.

(D) Les uns disent qu’il était bel homme, les autres qu’il était laid. ] Sa taille-douce, dans Tomasin, le représente de bonne mine, et confirme admirablement ces paroles, Vultu spectabilis [7] : mais dans l’Impérialis elle le représente d’une mine sombre, farouche, et basse, et prouve très-bien ces paroles : Nec subhæsitantis linguæ nota vel tetrica fortè oris species ullas unquàm sitæ gloriæ maculas aspergere potuerunt [8]. Est-il possible que sur ces choses exposées à la vue de tout le monde, les auteurs produisent le blanc et le noir, tant par les traits de leur plume que par le pinceau des peintres ? S’il s’agissait des inclinations de l’âme, je ne m’étonnerais pas de cette diversité de relations ; car il est facile de juger le pour et le contre à l’égard de ces objets invisibles, qui ne se découvrent que par des indices équivoques : mais il s’agit du visage ; devrait-on se partager sur la question s’il était beau ou s’il était laid ?

(E) Les uns disent qu’il avait l’esprit fort vif... qu’il ne pouvait soudre les objections, etc... ] Voici une autre matière sur quoi les historiens

  1. Keckerman. Præcognit. Logicor., tract. II, cap. V, pag. m. 184. Voyez aussi Tomasin., Elog., part. I, pag. 137.
  2. Idem, ibidem.
  3. Voyez la rem. (E).
  4. Imperialis, in Musæo histor., pag. 115.
  5. Ex Tomasino, Elogior. parte I, pag. 139.
  6. Moréri avait pris cela de M. Teissier, Add. aux Élog., tom. II, pag. m. 124.
  7. Tomasin., Elog., parte I, pag. 138.
  8. Joh. Imperialis, in Musæo historico, pag. 117.