Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
ÉCLAIRCISSEMENT

IIIe. ÉCLAIRCISSEMENT.
Que ce qui a été dit du pyrrhonisme, dans ce Dictionnaire, ne peut point préjudicier à la religion.

I. J’établis d’abord comme la base de ce troisième éclaircissement, cette maxime certaine et incontestable, que le christianisme est d’un ordre surnaturel, et que son analyse est l’autorité suprême de Dieu nous proposant des mystères, non pas afin que nous les comprenions, mais afin que nous les croyions avec toute l’humilité qui est due à l’être infini, qui ne peut ni tromper ni être trompé. C’est là l’étoile polaire de toutes les discussions et de toutes les disputes sur les articles de la religion que Dieu nous a révélée par Jésus-Christ.

De là résulte nécessairement l’incompétence du tribunal de la philosophie pour le jugement des controverses des chrétiens, vu qu’elles ne doivent être portées qu’au tribunal de la révélation.

Toute dispute sur la question de droit mérite la rejection dès le premier mot. Personne ne doit être reçu à examiner s’il faut croire ce que Dieu ordonne de croire. Cela doit passer pour un premier principe en matière de religion. C’est aux métaphysiciens à examiner s’il y a un Dieu, et s’il est infaillible[1] ; mais les chrétiens, en tant que chrétiens, doivent supposer que c’est une chose déjà jugée.

Il ne s’agit donc plus que de la question de fait, savoir si Dieu veut que nous croyions ceci ou cela. Deux sortes de gens en peuvent douter, les uns parce qu’ils ne croient pas que l’Écriture soit divine, les autres parce qu’ils ne croient pas que le sens de la révélation soit tel ou tel.

Toute la dispute donc que les chrétiens peuvent admettre avec les philosophes est sur cette question de fait, si l’Écriture a été composée par des auteurs inspirés de Dieu. Si les preuves que les chrétiens allèguent sur ce sujet ne convainquent pas les philosophes, la partie doit être rompue ; car il serait inutile de descendre à l’examen particulier de la Trinité, etc., avec des gens qui ne reconnaîtraient pas la divinité de l’Écriture, le seul et unique moyen de juger qui a tort ou qui a raison dans de semblables controverses. L’autorité révélée doit être le principe commun des disputans là-dessus ; et ainsi plus de dispute, lorsque les uns n’admettent point ce principe, et que les autres l’admettent. Adversùs negantem principia non est disputandum.

Si ceux qui ne l’admettent point s’opiniâtrent à criailler et à disputer, on leur doit répondre froidement, Vous sortez de la question, non feritis thesim, non probatis negatum ; et s’ils se moquent de cette réponse, il faut avoir pitié de leurs moqueries.

II. Or de tous les philosophes qui ne doivent point être reçus à disputer sur les mystères du christianisme avant que d’avoir admis pour règle la révélation, il n’y en a point d’aussi indignes d’être écoutés que les sectateurs

  1. Voyez ci-dessus la rem. (L) du 2e. article Maldonat, tom. X, pag. 166.