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SUR LES MANICHÉENS.

ils auraient besoin de supposer trois premiers principes : un essentiellement bon, et la cause de tout bien : un essentiellement mauvais, et la cause de tout mal : un essentiellement susceptible du bien et du mal, et purement passif. Après quoi il faudrait dire que l’âme de l’homme est formée de ce troisième principe, et qu’elle fait tantôt une bonne action et tantôt une mauvaise, selon qu’elle reçoit l’influence ou du bon principe ou du mauvais.

Ceux qui prendront la peine de considérer avec attention tout ce que j’ai exposé dans cet Éclaircissement cesseront sans doute d’être choqués de ce qui les avait fait murmurer contre l’article des Pauliciens, etc. Ils verront que cet article et ceux où la même matière a été traitée peuvent être lus sans scandale, et même avec édification, pourvu que l’on se souvienne bien,

I. Que c’est le propre des mystères évangéliques d’être exposés à des objections que la lumière naturelle ne peut éclaircir ;

II. Que les incrédules ne peuvent tirer légitimement aucun avantage de ce que les maximes de philosophie ne fournissent point la solution des difficultés qu’ils proposent contre les mystères de l’Évangile ;

III. Que les objections des manichéens sur l’origine du mal, et sur la prédestination, ne doivent pas être considérées en général en tant qu’elles combattent la prédestination, mais avec cet égard particulier que l’origine du mal, les décrets de Dieu sur cela, et le reste, sont un des plus inconcevables mystères du christianisme ;

IV. Qu’il doit suffire à tout bon chrétien que sa foi soit appuyée sur le témoignage de la parole de Dieu ;

V. Que le système manichéen considéré en lui-même est absurde, insoutenable, et contraire aux idées de l’ordre ; qu’il est sujet aux rétorsions, et qu’il ne saurait lever les difficultés ;

VI. Qu’en tout cas on ne saurait se scandaliser de mes aveux, que l’on ne soit obligé de regarder comme scandaleuse la doctrine des théologiens les plus orthodoxes, puisque tout ce que j’ai dit est une suite naturelle, inévitable de leurs sentimens, et que je n’ai fait que rapporter, d’une manière plus prolixe, ce qu’ils enseignent d’une façon moins étendue.

Il y aura peut-être des gens qui trouveront imparfaite ma réfutation du manichéisme, parce que je ne réponds point aux objections que j’ai étalées comme de la part des manichéens. Je prie ceux qui se feront ce scrupule de se souvenir que pour des réponses évidentes tirées de la lumière naturelle, je n’en connais point ; et que pour les réponses que l’Écriture peut fournir, on les trouve dans une infinité de livres de controverse.

Ceux qui demandent l’utilité ou le cui bono des discussions qui leur ont déplu verront ma réponse dans le troisième éclaircissement.