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SUR LES OBSCÉNITÉS.

qui me fournit ce passage, n’était point de ces savans qui ignorent le beau monde. Il le connaissait, il le fréquentait.

(C) Ils ont serpenté autour, comme s’ils eussent eu quelque regret de s’éloigner d’un lieu aimable. ] Cela me fait souvenir d’une inscription qui est gravée en lettres d’or sur un marbre noir au pont Notre-Dame de Paris.

Sequana cùm primùm reginæ allabitur urbi,
Tardat præcipites ambitiosus aquas.
Captus amore loci, cursum obliviscitur anceps
Quo fluat, et dulces nectit in urbe moras.
Hinc varios implens fluctu subeunte canales,
Fons fieri gaudet, qui modò flumen erat.
Anno M. DC. LXXVI. [a].


M. de Santeuil[* 1] a fait ces vers.

(D) Je pense que l’inquisition en usé à peu près de même. ] Je ne crois pas quelle fasse lire publiquement les abjurations qui contiennent des obscénités horribles ; mais pendant le cours du procès elle en salit les oreilles de ses assesseurs, et le papier de ses secrétaires, et enfin elle les fait lire à haute voix dans quelque lieu particulier. C’est ainsi qu’elle en usa l’an 1698 envers frère Pierre-Paul de saint Jean l’évangéliste, augustin déchaussé, convaincu de profanations, et d’impiétés, et d’impuretés abominables. J’ai une copie de l’Abjuration demi-publique, Abjura semipublica, qu’il fit dans une chapelle al Sacello di Casa Granisi ; et j’y ai lu qu’entre autres choses on lui déclara ceci :[b] Dicesti haver tu mostrato eo rimostrato alle tue sopradette devote con le quali tu prosequivi gl’ abbracciamenti in parte nascoste che tu per la dolcezza di quelli eri rapito in estasi, e sentivi un godimento infinito dell’ amor divino, e che ta t’infervoravi in quell’ estasi…. Hai detto haver bacciate alle tue donne le parti vergognose, e che doppo haverle cosi bacciate e toccate l’hai benedette e li hai aperti li meati, e pregavi Dio che li conservasse in tutto quello benedetto claustro verginale… Hai detto che alcune donne ti hanno lavato le parti basse tre volte, la prima per purgarsi dalle colpe mortali, la seconda dalle veniali, e la terza dalle imperfezzioni. Hai detto che alcune volte in godere delle donne tu sentivi specie di martirio.… che un giorno parimente l’hai fatte radunare e ad una per una invocare e bacciare il tuo membro genitale.

Il ne faut point douter que l’inquisition ne fît imprimer ces choses, s’il s’agissait de désabuser une cabale terrible, et une populace irritée, qui soutiendrait que pour de légères fautes on aurait puni rigoureusement un religieux. C’est ainsi que l’on se crut obligé de publier les informations faites contre les templiers : on aima mieux salir l’imagination, et faire horreur aux oreilles les moins chastes, que de laisser croire qu’on avait exterminé cet ordre sans un sujet légitime.

(E) Les prophètes ont employé des comparaisons que les ministres n’ont pas osé rapporter tout entières. ] Je commente ceci par un passage latin de M. Menjot. Hic obiter observabimus mulierem menstruatam dici ἀποκαθημένην à septuaginta…. veteris testamenti græcis interpretibus, ὡς ῥάκος ἀποκαθημένην πᾶσα ἡ οἰκαιοσύνη ἡμὼν[* 2], omnis nostra justitia est quasi pannus menstruatæ ; eò quod Israëliticæ fœminæ αἱς ἧν τὰ κατ᾽ ἐθισμὸν τῶν γυναικῶν,[* 3] ut alibi loquuntur idem interpretes, pendant leurs ordinaires, sedere consuevissent, ut constat ex historiâ Rachelis[* 4]Ità idem Esaïas anteà dixerat[* 5] λικμήσῃς ὡς ὕδωρ ἀποκαθημένης, ventilabis, hoc est disperges ea (de idolis loquitur) sicut immunditiam menstruatæ, ut fert textus vulgatæ lectionis[c].

(F) Casaubon n’a point approuvé cette conduite. ] C’est bien à lui à vouloir être plus sage que les anciens pères. S’il s’agissait de l’explication d’un passage de Polybe, ou de Suétone, ou d’Athénée, on aurait raison de préférer ses lumières. Mais qu’un homme, qui a fait sa principale occupation de l’étude des humanités, prétende faire la leçon sur les ma-

  1. * Son nom est Santeul.
  2. (*) Esaïe, c. 64.
  3. (*) Genes. c. 31.
  4. (*) Loc. cit.
  5. (*) Ibid., c. 30.
  1. Description nouvelle de la ville de Paris, tom. II, pag. 206, édit. de Hollande, 1685.
  2. J’ai suivi l’orthographe de la copie manuscrite que M. Sylvestre me donna à son retour de Rome, l’an 1700.
  3. Antonius Menjotius, de Passione uterinà, pag. 4 et 5.