Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ij
DISCOURS PRÉLIMINAIRE

tissu alphabétique de crochets, où il suspend ce qu’il trouve à propos. »

Il avait, dans ses digressions ou remarques, l’art de rappeler, dit Jean Leclerc, ce qu’il voulait et qui valait souvent mieux ou qui était plus curieux ou plus singulier que la matière principale. »

Malgré le mérite reconnu du philosophe de Rotterdam, aucune couronne académique n’a cependant, jusqu’à présent, été décernée à un Eloge de Bayle. Mais, il faut le dire, lorsqu’en 1772, l’académie de Toulouse proposa pour sujet de prix de 1773 l’éloge de Bayle, une lettre de cachet fit défense de le traiter, et l’académie substitua au nom d’un proscrit pour cause de religion, le nom d’un canonisé, saint Exupère, évêque de Toulouse au IVe. siècle.

Les Toulousains n’avaient, au reste, pas attendu jusques-là pour honorer « un des plus grands hommes que la France ait produits. Le parlement de Toulouse, dit encore Voltaire[1], lui avait fait un honneur unique, en fesant valoir son testament qui devait être annulé comme celui d’un réfugié, selon la rigueur de la loi, et qu’il déclara valide comme le testament d’un homme qui avait éclairé le monde, et honoré sa patrie. L’arrêt fut rendu sur le rapport de M. de Seneaux, conseiller. » À ceux qui arguaient de la mort civile prononcée contre tous les réfugiés, Seneaux répliquait : C’est pendant le cours même de cette mort civile que son nom a obtenu le plus grand éclat dans toute l’Europe.

Bayle était mort le 28 septembre 1706. Un siècle après, il fut question de lui élever un monument. On ne recevait pas de souscription à moins de dix francs[2]. Le moment n’était pas favorable, et le projet n’eut pas de suite. Le gouvernement d’alors n’eut pas besoin d’arrêter un zèle qui n’existait pas ; Bayle, trop peu lu, ne pouvait exciter l’intérêt que d’un très-petit nombre de personnes.

Il paraît qu’Antoine Bret, connu par son édition de Molière, avait eu vers 1760 le projet de donner une nouvelle édition du Dictionnaire de Bayle[3] ; mais Bret est mort en 1792, sans avoir donné suite à ce projet.

Feu M. Desoer, qui en 1817 donna un grand élan à la librairie française par la publication de son prospectus des

  1. Notes du troisième Discours sur l’homme.
  2. Voyez Journal de Paris du 19 février 1806.
  3. Lettre de Voltaire à Bret du 10 octobre 1761.