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ABARIS.

Ἄϐαριν ; et, au lieu de ϐάριδας, il fait lire Ἀϐάριδος ; ce qui fait un sens beaucoup plus intelligible. Ὅτε δὴ καὶ Ἄϐαριν ϕασὶ τὸν Ὑπερϐόρειον ἐλθόντα ϑεωρὸν εἰς τὴν Ἑλλάδα Ἀπόλλωνι ϑητεῦσαι, καὶ οὕτω συγγράψαι τοὺς χρησμοὺς τοὺς νῦν προσαγορευομένος Ἀϐάριδος. Le sens est, qu’Abaris, étant allé dans la Grèce, pour consulter Apollon, ou pour lui faire des offrandes, s’arrêta à son service, et écrivit les oracles qui portaient encore le nom d’Abaris. M. de Valois corrige[1] de son côté un endroit de Proclus[2], où Pythagore est cité ἐν τῷ πρὸς Ἄϐαρος λόγω ; il croit qu’il faut lire Ἄϐαριν. Ainsi il y aurait eu un ouvrage de Pythagore[3] adressé à notre Abaris. Ce qu’il y a de certain, c’est que Pythagore, si l’on en croit Jamblique[4], expliqua son Traité de la Nature, et son Livre des Dieux à cet Hyperboréen. Plutarque fait mention d’un livre intitulé Abaris, et composé par Héraclide[5], où l’on voyait, je pense, toutes les aventures vraies ou romanesques de ce fameux hyperboréen. Au reste, Je m’étonne que Scaliger, qui était en si bonne humeur de nous découvrir des fautes, nous ait renvoyés au Giraldi, comme à une source de docte instruction touchant Abaris : car, quelque savant que soit le Giraldi, il n’a pas été fort exact sur cet article [6]. Il dit que Valérius Harpocration a parlé des merveilles de la flèche ; et qu’au rapport d’Hérodote, elle fit voler Abaris jusque sur les terres des Hyperboréens. Mais il est sûr qu’Harpocration ne parle point de la flèche, et qu’Hérodote ne parle point du vol d’Abaris, ni ne désigne aucun lieu particulier où cet homme fût allé. Charles Étienne et Moreri ont commis cette dernière faute : Legatus Athenas veniens ad suos Hyperboreos rediit nihil comedens, dit Charles Étienne ; retournant de Grèce en Scythie, il fit ce long voyage sans manger, dit Moréri ; et elle est plus digne d’excuse que la précipitation qui a poussé le premier à dire que nous avons encore les oracles d’Abaris. C’est avoir copié sans jugement, et sans considérer que depuis le temps qu’on pouvait parler ainsi ces oracles ont été perdus. Nous ferons ailleurs[7] une réflexion générale sur les bévues qui naissent de ce principe.

(G) Prédire les tremblemens de terre, etc. ] Porphyre attribue cette vertu à Pythagore, comme aussi celle de chasser la peste, et d’arrêter la grêle, de calmer les orages, et de faire cesser les tempêtes sur la mer et sur les fleuves, pour procurer à ses amis un heureux trajet[8]. Il ajoute qu’Empédocle, Épiménide et Abaris, ayant appris cela de Pythagore, le pratiquèrent en plusieurs rencontres, πολλαχῆ ἐπιτετελεκέναι τοιαῦτα. Un auteur moderne[9], ayant rapporté que Phérécyde, précepteur de Pythagore [10], et qu’Anaximandre et Abaris [11], prédisaient les tremblemens de terre, fait cette demande assez plaisamment : N’est-ce point, dit-il, qu’à considérer la terre comme un grand animal, ils avaient l’art de lui tâter le pouls et de reconnaître par-là les convulsions qui lui devaient arriver ? Or, soit que la flèche d’Abaris fût l’instrument avec lequel il exploitait tant de merveilles, soit qu’elle n’y contribuât pas, il est sûr que les voyages de cet homme-là pourvaient être d’une grande utilité au genre humain. Voyez la remarque suivante.

(H) Qu’on attribue à la baguette de Jacques Aymar[12]. ] Jamais chose ne fit plus de bruit et ne donna occasion à tant de livres. Je viens d’apprendre que ceux qui s’en promettaient tant d’avantages et tant de victoires sur les mécréans, se trouvent bien loin de leur compte. La seule histoire de tout ceci mériterait un article ; et peut-être en toucherons-nous quelque chose sous le mot de Rabdomantie[* 1], ou en quelque autre occasion. Mais, quoi qu’il en soit, je

  1. * Voyez la note *, pag. 10.
  1. Valesii Notæ in notas Mauss. in Harpocration., pag. 83.
  2. In Timæum Platonis, pag. 141.
  3. Confer quæ Jamblich. ubi suprà, cap XIX, pag. 92.
  4. Jambl. ibid.
  5. Plut. Quomodò audiendi Poët. initio.
  6. Voyez la remarque (D) vers la fin.
  7. Dans la remarque sur l’article Balbus (Jean), à la fin.
  8. In Vitâ Pythagor.
  9. La Mothe le Vayer, tome XI, pag. 127.
  10. Il cite Diog. Laert. in Phercecyd. Ciceron P. de Divin.
  11. Touchant Abaris, il cite Apollonius, surnommé Dyscole, cap. V. C’est le même que j’ai cité ci-dessus.
  12. Voyez ci-dessus la remarque (B).