Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/137

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de voir que les paroles de son fils, au lieu de le calmer, avaient eu un résultat tout contraire. Le fermier, blessé tout à la fois dans son autorité de père de famille, dans ses convictions politiques et désappointé dans les projets qu’il avait conçus pour son fils, en était arrivé à un état d’exaspération facile à comprendre chez un homme d’un caractère aussi violent. Aussi fut-ce d’une voix étranglée par l’émotion qu’il dit à son fils, en s’arrêtant soudainement devant lui et en le regardant en face :

— Pierre Montépel ! tu es le premier de la famille qui ait osé désobéir aux ordres de son père et qui ait cru devoir s’écarter de la voie tracée par ses ancêtres. Ce sont des choses trop graves pour qu’il me soit permis de les ignorer. Je suis le maître ici, et j’entends que l’on m’obéisse. Tu veux partir. Soit. Tu as probablement raison de t’éloigner afin que je ne sois pas témoin de la honte de mon nom. Tu as sans doute besoin d’argent pour défrayer les frais de ta noce ; dis ! mon fils, combien te faut-il pour acheter un trousseau digne de la demoiselle Jeanne Girard ?

— Mon père, répondit Pierre froidement, la colère vous rend injuste. Je vous l’ai dit : je ne demande rien, je n’ai besoin de rien. Il me reste mon salaire de six mois et lorsque je voudrai faire