Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/149

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rents et que Jules resterait en arrière pour pourvoir à l’achat des instruments de travail et des vêtements nécessaires pour protéger les bûcherons contre les froids rigoureux de l’hiver dans les chantiers. Le trajet jusqu’à Ottawa serait fait en bateau à vapeur, mais on aurait le soin d’y transporter un canot d’écorce afin de remonter les eaux de l’Ottawa et de la Gatineau.

On causa des projets d’avenir, du retour des voyageurs, du mariage de Pierre et de Jeanne et minuit sonnait à la pendule, lorsque Pierre se leva pour retourner à Lavaltrie. Le moment des adieux était arrivé et malgré les efforts de Jeanne pour cacher son émotion, la pauvre enfant ne pouvait retenir ses sanglots. Le vieillard lui-même sentait les larmes qui coulaient sur ses joues amaigries et après avoir donné ses derniers conseils à celui qu’il aimait déjà comme son propre fils, il fit signe à Jeanne de s’approcher. Prenant la main de la jeune fille, il la plaça dans celle de Pierre et d’une voix tremblante et solennelle :

— Mes enfants ! l’heure du départ est arrivée, et je comprends qu’à votre âge, au moment même où votre amour vous promettait de longs jours de bonheur, il vous soit pénible de vous quitter. Mais voyez dans cette douloureuse épreuve une image bien frappante de la vie. Fortifiez votre courage