Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/159

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 donc en
faveur de ma pièce, puisqu’enfin je ne l’ai pas fait.

Le défaut même dont je l’accuse n’aurait produit aucun mouvement
comique, si je ne lui avais gaiement opposé l’homme le plus dégourdi de
sa nation, le véritable Figaro, qui, tout en défendant Suzanne, sa
propriété, se moque des projets de son maître, et s’indigne
très-plaisamment qu’il ose joûter de ruse avec lui, maître passé dans ce
genre d’escrime.

Ainsi, d’une lutte assez vive entre l’abus de la puissance, l’oubli des
principes, la prodigalité, l’occasion, tout ce que la séduction a de
plus entraînant ; et le feu, l’esprit, les ressources que l’infériorité
piquée au jeu peut opposer à cette attaque, il naît dans ma pièce un jeu
plaisant d’intrigue, où l'époux suborneur, contrarié, lassé, harrassé,
toujours arrêté dans ses vues, est obligé trois fois dans cette journée
de tomber aux pieds de sa femme, qui, bonne, indulgente et sensible,
finit par lui pardonner : c’est ce qu’elles font toujours. Qu’a donc
cette moralité de blâmable, Messieurs ?

La trouvez-vous un peu badine pour le ton grave que je prends ?
accueillez-en une plus sévère qui blesse vos yeux dans l’ouvrage,
quoique vous ne l’y cherchiez pas : c’est qu’un seigneur assez vicieux
pour vouloir prostituer à ses caprices tout ce qui lui est subordonné,
pour se jouer, dans ses domaines, de la pudicité de toutes ses jeunes
vassales, doit finir, comme celui-ci, par être la risée de ses valets.
Et c’est ce que l’auteur a très-fortement prononcé, lorsqu’en fureur au
cinquième acte, Almaviva, croyant confondre une femme infidelle,
montre à son jardinier un cabinet en lui criant : Entres-y toi, Antonio ;
conduis devant son juge l’infame qui m’a déshonoré ; et que celui-ci