été scandalisé, etc. » Maintenant que vous êtes instruit de tout par des rapports aussi fidèles, j’espère, ô Kornman ! que la colère et l’indignation vont vous faire éclater, ou qu’au moins toutes liaisons entre un homme audacieux et vous sont finies ; et qu’enfin votre dernière lettre à cet abandonné (si même vous croyez devoir lui défendre ainsi votre porte) est bien sévère ! Il faut la lire, et la comparer avec la page 9 du libelle, citée plus haut. À cette époque vous lui écriviez :
« J’espère, mon cher ami, que la lettre qui j’ai eu le plaisir de vous adresser de Bruxelles vous sera bien parvenue ; la vôtre, que vous m’aviez fait l’amitié de m’adresser à Spa le 7 de ce mois m’a été renvoyée ici ; je suis charmé d’avoir prévenu vos intentions, en hâtant mon retour. Je n’ai pas manqué de me rendre de suite chez M. le comte de Brancion, qui m’a mis au fait du projet dont il était question ; l’affaire me paraît belle : il ne s’agit que de la certitude de se procurer les fonds nécessaires pour ne pas rester en chemin lorsque l’opération sera commencée ; je m’occupe à venir vous joindre pour nous concerter là-dessus. » (Ici sont des détails d’affaires.)
« J’ai mille choses à régler avant mon départ, que je compte effectuer vers la fin de la semaine prochaine. Je crois que ma femme est intentionnée de faire ce petit voyage ; mais elle n’a guère fait de préparatifs pour cela. Lorsque cela sera bien décidé, je ne manquerai pas de vous en faire part. En attendant le plaisir de vous voir, je vous embrasse de tout mon cœur, et suis, sans réserve, tout à vous.
Quel étonnant commerce : J’espère, mon cher ami, que la lettre que j’ai eu le plaisir de vous adresser de Bruxelles, etc. Ô vertueux Kornman ! époux délicat, père tendre ! l’homme qui corrompait tout chez vous était votre cher ami ! Je suis charmé d’avoir prévenu vos intentions en hâtant mon retour. Ainsi vous aviez mis dans ses mains, non-seulement la direction des plaisirs secrets de votre femme, mais encore il vous faisait marcher suivant ses intentions ! et afin qu’il ne pût douter que la vôtre était de lui mener votre épouse à Strasbourg, vous le lui assuriez en finissant votre lettre. Je crois que ma femme est intentionnée de faire ce petit voyage ; mais elle n’a guère fait de préparatifs pour cela. Lorsque cela sera bien décidé, je ne manquerai pas de vous en faire part. Ainsi, vertueux Guillaume, elle n’est pas encore décidée, mais l’homme abandonné qui la perd vous aura cette obligation ! et pour qu’il sache même que c’est à bonne intention de votre part, vous finissez ainsi la lettre : En attendant le plaisir de vous voir, je vous embrasse de tout mon cœur, et suis, sans réserve, tout à vous.
Sans réserve, messieurs, vous l’entendez ! En effet, vous verrez bientôt l’étendue d’amitié que ce grand mot renferme.
Reprenons ici le libelle.
(Page 9.) « Cependant le sieur Daudet se rendit à Strasbourg pour y remplir les fonctions de syndic adjoint de M. Gérard.
« La dame Kornman, qui ne pouvait plus se séparer de lui, désira de faire un voyage à Bâle… Strasbourg est sur la route de Bâle : je n’eus donc pas de peine à deviner le vrai motif de sa demande, etc. » (Et cependant vous l’y meniez, Guillaume !)
Il faut lire dans le mémoire même tout le pathos de cette page, et de quel style le vertueux époux apprenait en route à sa jeune épouse (page 9) comment « tous les faux plaisirs qui nous ont occupés passent et s’effacent ; comme il importe pour les derniers jours de notre existence, si fugitive et si courte, de se ménager une conscience sans remords. » Et tout le reste du paragraphe, digne de figurer, au style près, à côté de…
Cependant ce vertueux époux venait d’écrire en partant à son plus terrible ennemi, à son redoutable rival, deux lettres du 24 et du 25 août ; la première commence ainsi :
« J’ai été charmé, mon cher ami, d’apprendre, par la lettre que vous m’avez fait l’amitié de m’adresser, que vous soyez heureusement arrivé à Strasbourg. » (Je supprime les détails étrangers à mon objet.) « J’ai fait deux fois ma cour à madame de Montbarrey et à madame de Nassau, qui m’ont reçu avec beaucoup de bonté, de même que ma femme, qui a été hier pour prendre leurs ordres, car il paraît décidément qu’elle est du voyage ; elle prendra autre femme de chambre et autre domestique, et par ce moyen nous voyagerons ensemble. » (Ce qui prouve que les débats intérieurs se rapportaient au renvoi des valets, et nullement aux intimités du galant.) « J’espère que vous serez encore à Strasbourg, et que nous pourrons y passer quelques jours ensemble. etc.
Et le lendemain 25 août, de peur qu’il ne l’oublie, le vertueux époux, qui sait comment il importe de se ménager une conscience sans remords, écrit une seconde lettre à son cher ami, conçue en ces termes :
« Vous aurez vu par ma dernière lettre d’hier, mon cher ami, que mon voyage est décidé, et que je ne tarderai pas à vous joindre. » (Et plus bas :) Ma marche est de partir samedi au soir ou