Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages.djvu/166

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huissier, précédant le Comte, crie.
Monseigneur, messieurs.
Le Comte
En robe ici, seigneur Brid’oison ! Ce n’est qu’une affaire domestique : l’habit de
ville était trop bon.
Brid’oison
C’è-est vous qui l’êtes, monsieur le Comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle,
parce que la forme, voyez-vous, la forme ! Tel rit d’un juge en habit court, qui-
i tremble au seul aspect d’un procureur en robe. La forme, la-a forme !
Le Comte, à l’huissier.
Faites entrer l’audience.
L’huissier va ouvrir en glapissant.
L’audience !
Scène XV
Les Acteurs précédents, Antonio, Les Valets du château, les paysans et paysannes
en habits de fête ; Le Comte s’assied sur le grand fauteuil ; Brid’oison, sur une
chaise à côté ; Le Greffier, sur le tabouret derrière sa table ; Les Juges, Les
Avocats, sur les banquettes ; Marceline, à côté de Bartholo ; Figaro, sur l’autre
banquette ; Les Paysans et Valets, debout derrière.
Brid’oison, à Double-Main.
Double-Main, a-appelez les causes.
Double-Main lit un papier.
"Noble, très noble, infiniment noble, don Pedro George, hidalgo, baron de Los
Altos, y Montes Fieros, y Otros Montes ; contre Alonzo Calderon, jeune auteur
dramatique. Il est question d’une comédie mort-née, que chacun désavoue et
rejette sur l’autre."
Le Comte
Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S’ils font ensemble un autre ouvrage,
pour qu’il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son
nom, le poète son talent.
Double-Main lit un autre papier.
 « André Pétrutebio, laboureur ; contre le receveur de la province. » Il s’agit d’un
forcement arbitraire.
Le Comte
L’affaire n’est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux en les
protégeant près du Roi. Passez.
Double-Main en prend un troisième. Bartholo et Figaro se lèvent.
"Barbe — Agar — Raab — Magdelaine — Nicole — Marceline de Verte-Allure, fille
majeure (Marceline se lève et salue) ; contre Figaro…" Nom de baptême en blanc ?
Figaro
Anonyme.
Brid’oison
A-anonyme ! Què-el patron est-ce là ?
Figaro
C’est le mien.
Double-Main écrit.
Contre anonyme Figaro. Qualités ?
Figaro
Gentilhomme.
Le Comte
Vous êtes gentilhomme ? (Le greffier écrit.)
Figaro
Si le ciel l’eût voulu, je serais fils d’un prince
Le Comte, au greffier.
Allez.
L’Huissier, glapissant.
Silence ! messieurs.
Double-Main lit.
"… Pour cause d’opposition faite au mariage dudit Figaro par ladite de Verte-
Allure. Le docteur Bartholo plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour
lui-même, si la cour le permet, contre le vœu de l’usage et la jurisprudence du
siège."
Figaro
L’usage, maître Double-Main, est souvent un abus. Le client un peu instruit sait
toujours mieux sa cause que certains avocats, qui, suant à froid, criant à tue-
tête, et connaissant tout, hors le fait, s’embarrassent aussi peu de ruiner le
plaideur que d’ennuyer l’auditoire et d’endormir messieurs : plus boursouflés
après que s’ils eussent composé l’Oratio pro Murena. Moi, je dirai le fait en
peu de mots. Messieurs…
Double-Main
En voilà beaucoup d’inutiles, car vous n’êtes pas demandeur, et n’avez que la
défense. Avancez, docteur, et lisez la promesse.
Figaro
Oui, promesse !
Bartholo, mettant ses lunettes.
Elle est précise.
Brid’oison
I-il faut la voir.
Double-Main
Silence donc, messieurs !
L’Huissier, glapissant.
Silence !
Bartholo lit.
"