Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages.djvu/171

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tre honteux : je les sentais couler entre mes
doigts : regarde ; (Il montre ses doigts écartés) et je les retenais bêtement ! Va
te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même. temps ; on ne sent pas
deux fois ce que j’éprouve. (Il embrasse sa mère d’un côté, Suzanne de
l’autre.).
Marceline
Ô mon ami !
Suzanne
Mon cher ami !
Brid’oison, s’essuyant les yeux d’un mouchoir.
Et bien ! moi, je suis donc bê-ête aussi !
Figaro, exalté.
Chagrin, c’est maintenant que je puis te défier ! Atteins-moi, si tu l’oses,
entre ces deux femmes chéries.
Antonio, à Figaro.
Pas tant de cajoleries, s’il vous plaît. En fait de mariage dans les familles,
celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
Bartholo
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère
d’un tel drôle !
Antonio, à Bartholo.
Vous n’êtes donc qu’un père marâtre ? (À Figaro.) En ce cas, not’galant, plus de
parole.
Suzanne
Ah ! mon oncle…
Antonio
Irai-je donner l’enfant de not’sœur à sti qui n’est l’enfant de personne ?
Brid’oison
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l’enfant de quelqu’un.
Antonio
Tarare !… Il ne l’aura jamais. (Il sort.)
Scène XIX
Bartholo, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
Bartholo, à Figaro.
Et cherche à présent qui t’adopte. (Il veut sortir.)
Marceline, courant prendre Bartholo à bras-le-corps, le ramène.
Arrêtez, docteur, ne sortez pas !
Figaro, à part.
Non, tous les sots d’Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre
mariage !
Suzanne, à Bartholo.
Bon petit papa, c’est votre fils.
Marceline, à Bartholo.
De l’esprit, des talents, de la figure.
Figaro, à Bartholo.
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
Bartholo
Et les cent écus qu’il m’a pris ?
Marceline, le caressant.
Nous aurons tant soin de vous, papa !
Suzanne, le caressant.
Nous vous aimerons tant, petit papa !
Bartholo, attendri.
Papa ! bon papa ! petit papa ! Voilà que je suis plus bête encore que monsieur,
moi. (Montrant Brid’oison.) Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et
Suzanne l’embrassent.) Oh ! non, je n’ai pas dit oui. (Il se retourne.) Qu’est
donc devenu Monseigneur ?
Figaro
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S’il machinait quelque autre
intrigue, il faudrait tout recommencer.
Tous ensemble
Courons, courons. (Ils entraînent Bartholo dehors.)
Scène XX
Brid’oison, seul.
Plus bê-ête encore que monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de
choses-là, mais… I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (Il
sort.)
Acte quatrième
Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de
fleurs, de guirlandes, en un mot, préparée pour donner une fête. Sur le devant,
à droite, est une table avec une écritoire, un fauteuil derrière.
Scène I
Figaro, Suzanne.
Figaro, la tenant à bras-le-corps.
Hé bien ! amour, es-tu contente ? Elle a converti son docteur, cette fine langue
dorée de ma mère ! Malgré sa répugnance, il l’épouse, et ton bourru d’oncle est
bridé ; il n’y a que Monseigneur qui rage, car enfin notre hymen va devenir le
prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.
Suzanne
As-tu rien vu de plus étrange ?
Figaro
Ou plutôt d’aussi gai. Nous ne voulions qu’une dot arrachée à l’Excellence ; en
voilà deux dans nos mains, qui ne sortent pas des siennes. Une rivale