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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

bonheur a fait que je vous ai rencontré ; je suis à vous, monseigneur, mais, comme je vous l’ai dit, il faut que ce misérable soit à moi ! Ce n’est pas assez de sa vie et de son sang pour me payer de quinze années d’opprobre, de misère, de désespoir ; il faut qu’il avoue son crime à vos pieds, il faut qu’il meure de la mort qu’il a donnée à ma fille !… Monseigneur, je ne sais pas ce que vous allez me dire de faire, mais voilà ce que cet infâme m’a fait ! Vous me le livrerez, vous devez savoir où il se cache. Là-bas, monseigneur, il se nommait Joshua, ici il se nomme Samuel !

Le masque tressaillit ; la voix de Pompeo ressemblait à un glas funèbre. Tous deux venaient alors de s’arrêter machinalement, Pompeo, comme un homme qui s’est allégé du poids oppressant des souvenirs ; son guide, prêt à fléchir sous le saisissement de sa terreur… L’Italien se retourna un instant comme pour juger de l’espace qu’ils venaient de parcourir, ils se trouvaient au coin de la rue des Lions-Saint-Paul.

— Monseigneur, reprit Pompeo, signez-vous ici le pacte que je vous propose ? Me promettez-vous de me livrer Samuel ?

— Je te signerai là-haut tout ce que tu voudras, murmura le masque d’une voix troublée.

En même temps, il montrait à Pompeo une fenêtre éclairée au premier étage d’une maison formant l’angle de la rue des Lions-Saint-Paul.

— Vous me le jurez ? demanda une seconde fois Pompeo.

— Sur Dieu et sa croix, je te le jure.

— C’est bien, je suis à vos ordres.

— Frappe donc à cette autre porte que voici : c’est un marchand de blé, tu l’éveilleras. Voici de quoi le payer, prends ma bourse.

— Que demanderai-je ?

— Deux sacs de toile.